L’État sénégalais ne peut pas se prévaloir de sa propre turpitude. Ancien ou actuel régime, si des Sénégalais ont acquis des terres en bonne et due forme, aucune autre raison d’ordre idéologique et propagandiste ne peut venir à bout de la légalité, fondement principal de l’État de droit. Il y va de la sécurité juridique. « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation de pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ». En espérant que l’appréciation de la légalité des décisions prises en la matière s’apprécie à la date à laquelle elles ont été prises, le président de la République, M. Bassirou Diomaye Faye, doit dire par quel moyen il compte remettre en cause les titres légalement attribués dans le domaine du foncier.
« Il s’agit d’un accaparement et d’un usage frauduleux d’espaces collectifs sur lesquels on ne peut faire un usage privé ou exclusif. Un usage qui constitue une menace sérieuse pour l’environnement et la santé publique », a dit Alioune Tine pour battre en brèche les propos de Maître Doudou Ndoye. Alors que ce dernier parle de droit, l’autre nage et se débat dans des considérations affectives. Crève-cœur est la progressive privatisation du littoral, révoltante est prédation foncière sans commune mesure. Pour autant, la liberté pour l’État de modifier des droits existants implique nécessairement la compensation des détenteurs de droits pour les pertes qui peuvent leur être ainsi causées. C’est de cette manière seulement que la puissance publique peut se conformer au standard minimum d’une société civilisée.
Quand Macky Sall est arrivé au pouvoir en 2012, il avait enclenché une chasse aux sorcières. Dans l’affaire Karim Wade, les opposants, dont le Pastef, avaient décrié les procédures au motif du renversement de la charge de la preuve en cours au sein de la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI). Même procédé, même raisonnement, la lutte légitime contre la corruption à travers une juridiction d’exception violait les droits de la défense de la personne inculpée et ne garantissait pas son droit à un procès équitable. Après tout, Staline avait entrepris et réussi la collectivisation à marche forcée sur fond d’une propagande intensive.
L’actualité relative au foncier a enseveli très vite la question des nominations sans appel à candidature. En plus de ravir le buzz aux faits et gestes de gouvernement, l’épée du torero pointée en direction des magouilles survenues sous les magistères passées aura le mérite de maintenir la flamme de l’adhésion populaire. Action de communication, l’initiative du président Faye vise à assurer le soutien des populations malgré la réalité ingrate du pouvoir et de susciter le refoulement psychique de toute désillusion. Tout compte fait, tant que la soumission de l’administration au droit ne s’en trouve pas affectée, libre à vous autres, hommes et femmes politiques, de vous faire plaisir.
« Nous ferons détruire toutes les constructions illégales », a indiqué le colonel Papa Saboury Ndiaye, patron de la Direction de la Surveillance et du Contrôle de l’Occupation du Sol (DSCOS). Tant qu’il s’agira de raser ces excroissances clandestines, personne de sensé n’y trouvera à redire. Cependant, le droit acquis formellement est lié à la propriété et non au propriétaire. « Nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité. »
Birame Waltako NDIAYE