Le vocable «communauté» est dans la langue française sans doute ce qu’il y a de plus étroit et de moins inclusif. Il renvoie plus à la frilosité, la consanguinité et certainement pas à l’altérité. Cette communauté étriquée peut rapidement prendre les contours d’un communautarisme. Ce lieu commode où sont recroquevillés tous ceux que la différence et la diversité inquiètent et avec lesquelles ils ne seront peut-être jamais en odeur de sainteté. Ce mot n’est pas beau. Il a la laideur d’un préjugé contraire à la communion mais synonyme dans son acception politique d’exclusion, de fermeture, voire de cynisme. Championne en toutes disciplines de l’indignation sélective, la communauté internationale, par sa seule dénomination, ne veut plus rien dire tant elle s’est décrédibilisée. En messe basse, la même communauté internationale bat des records d’indignité tant sa parole est différente de sa pensée. Ces points chauds du monde parmi les plus médiatisés Russie-Ukraine et Israël-Palestine ont fini de disqualifier ce qu’il est plus convenable d’appeler la conspiration interna- tionale. Les regrettables événements survenus à Médina Gounass, un des hauts lieux de la spiritualité sénégalaise, troublent au plus haut point. Ils écornent l’image d’un pays où «toutes les races et toutes les cultures se réveillent à leur chaleur complémentaire».
Une bonne communication et une profonde réflexion
Dans les communiqués respectifs qui ont suivi les incidents, le terme «communauté» revient à chaque fois pour mieux dire à quel point il est porteur de démons. Il faut le bannir. En apprenant donc ces heurts en plein jour de l’Aïd, le poids de la douleur en chaque Sénégalais est d’autant plus immense. Mais dans l’irrationnel, l’épreuve et la complexité, on trouve un supplément d’âme en faisant preuve de sang-froid et de responsabilité. En n’essayant surtout pas de chercher la victime ou le coupable, encore moins de distribuer un brevet de sacrilège. Ce sont des frères en Islam et, au-delà, des frères dans l’humanité qui ont été secoués par les vicissitudes de la vie. Donc, pas de jugement à l’instar du roi Salomon dont la jurisprudence n’est d’ailleurs appliquée par aucun podestat sérieux des temps modernes. Devant pareille situation qui peut saper le commun vouloir de vie commune, face à la crise, s’ouvre une fenêtre d’opportunité pour une bonne communication et une profonde réflexion.
Le vrai pétrole d’ici n’est autre que la paix
Médina Gounass est un foyer religieux majeur dans notre pays mais il symbolise aussi l’éloignement par rapport à la capitale. Il faut à son endroit une dis- crimination positive. Ses habitants comme ceux des localités les plus excentrées doivent recevoir plus que les autres de l’Etat. Son représentant, le ministre de l’Intérieur en l’occurrence, parti in extremis calmer la tension a eu l’attitude qu’il fallait. Apaiser et être équidistant. Le vrai pétrole d’ici, la prunelle de nos yeux n’est autre que la paix. Partout, celle-ci se fait rare à mesure que la démographie augmente et que le peu de ressources disponibles fond année après année sous le chaud soleil. La pauvreté rend très vulnérable. Satan utilise la fragilité des gens pour semer la zizanie entre eux. Où que l’on pose le regard, on ne voit plus que des boucs émissaires à qui il faut jeter la pierre. Dans les poitrines, les cœurs se font de pierre.
Un peu de police, beaucoup de langage policé
Les ingrédients de l’intranquilité se juxtaposent dangereusement mais des âmes élevées et compatissantes seront toujours là pour prôner la bonne paro- le. Ce que le ministre Tine a fait. Un peu de police et de forceps et beaucoup de langage policé et de la sagesse n’affaiblissent pas l’autorité de l’Etat. La maïeutique de la diplomatie est le moyen le plus efficace pour réparer des liens plus forts que les ressentiments. Médina Gounass est un phare dans l’exaltation et la sublimation du Seigneur des mondes. Il le restera dans ce Sénégal qui rejette la haine qui n’est pas conforme au génie de son peuple, comme le disait si bien le poète président. La Tabaski qu’on vient de traverser est la fête du pardon, de la rémission des péchés et non de la vendetta ou quelque expédition punitive. Elle est un moment sacrificiel et certainement pas l’occasion pour que des êtres humains se sacrifient entre eux. Médina Gounass est un lieu de méditation où les menaces sont conjurées. Un pur joyau qui est un élément du patrimoine immatériel national. S’il vient à être secoué, nos prières ne doivent point lui manquer après tout ce temps passé à prier pour la bonne terre du Sénégal.
Par Assane GUÈYE