Quand j’ai fini de lire la tribune de l’Abbé André Latyr Ndiaye, j’ai voulu remonter à la source (la cérémonie de réception des lauréats du Concours général) pour comprendre ce qui fondait sa sortie spectaculaire envers la personne du Premier Ministre (PM) et les musulmans du Sénégal.
Nous sommes mardi 30 juillet 2024. le PM Ousmane Sonko reçoit les lauréats du Concours général. Au cours de la cérémonie, l’élève Ndèye Bousso Diatara, « fille voilée » et lauréate du grand prix du Chef de l’État pour le récital du Saint Coran, pose une question au PM en Ouolof : « Après avoir rendu grâce à Dieu et prié sur Son Prophète (SWS) et Ses Compagnons, je salue respectueusement le Président Bassirou Diomaye Faye et son Premier Ministre à qui je voudrais demander, au nom des daaras du Sénégal, d’exposer le programme qu’il a pour eux. J’ai vu récemment une vidéo où vous parlez des daaras et je suis convaincue que ces daaras peuvent compter sur vous quant à la prise en charge de leurs problèmes ».
Le PM remercie l’élève pour sa question et explique que le Sénégal es un pays de croyances et cite les principales religions, en commençant d’ailleurs par la religion chrétienne. Il affirme que la majorité de ces croyants est musulmane et rappelle l’importance du Saint Coran dans le comportement et la vie du musulman. Il revient sur la nécessité et le désir de tout sénégalais d’éduquer ses enfants selon les prescriptions coraniques, à l’image de l’élève Ndèye B Diatara. A cet effet, il cite l’exemple du Président Bassirou D Faye et rappelle que sa maison abrite un daara. Il souligne le besoin de spiritualité du sénégalais qui est aussi prégnant que les besoins de santé et d’alimentation. Il revient sur les fondements du modèle de laïcité choisi par le Sénégal qui promeut la coexistence, la concertation, la cohabitation et l’acceptation mutuelle. Il invite « ceux qui prônent une laïcité fondée sur une opposition systématique ou une confrontation entre l’État et la société religieuse d’aller voir ailleurs ». Il affirme que cette conception de la laïcité se retrouve à la fois dans le projet du Président de la République et dans son livre « Solutions » publié en 2019. Il soutient la nécessité de rompre d’avec l’informalité qui a caractérisé, jusqu’ici, le traitement des questions religieuses au Sénégal, au nom d’une certaine conception de la laïcité ». Dans cet ordre d’idée, il annonce que « dans la LFI 2025 des crédits seront votés pour le culte, au même titre que la santé, l’éducation et l’agriculture. Ces crédits budgétaires viendront en appui aux différents cultes, notamment aux mosquées, aux églises, aux daaras et à l’éducation religieuse». Prenant à témoin le Ministre de l’Éducation nationale, présent à la cérémonie, il affirme que le Gouvernement travaille également à faciliter l’insertion des jeunes issus des daaras dans la vie professionnelle, une fois leur formation achevée.
Sur cette base, il affirme que certaines pratiques ne sont pas compatibles avec le modèle de laïcité du pays à majorité musulmane et le style de vie de ses habitants. Il concède aux pays occidentaux le droit de légiférer et de réglementer le port vestimentaire dans leurs propres écoles. Il argumente que dans un pays comme la France, qui se réclame de la démocratie, de la liberté, des droits de l’homme et de la tolérance, l’exclusion des jeunes filles voilées des écoles doit être déplorée. Mais il explique « qu’au nom des principes de liberté de démocratie et de tolérance rappelés ci-dessus, le Sénégal ne saurait accepter que des jeunes filles soient exclues de l’école pour le simple motif de port du voile. Cela n’est pas conforme aux lois. ». Il relève que les filles voilées constituent la majorité des récipiendaires et appelle à la nécessité de respecter rigoureusement l’égalité de traitement entre les élèves dans un système qui garantit à chacun la liberté de choix de son style de vie, dans une société de tolérance religieuse».
J’ai écouté et réécouter l’intervention du PM. J’ai cherché en vain un mot évoquant une « impolitesse », une menace envers une communauté religieuse. Une telle menace est inconcevable dans un pays de tolérance comme le Sénégal. En revanche, le texte est un « best of » d’attaques éculées, personnelles discourtoises et insolentes pour un religieux.
Le PM rappelle une évidence : Il n’est pas tolérable que dans un pays à majorité musulmane, qu’on renvoie des filles pour port du voile. La grande majorité des Sénégalais (toutes croyances confondues) est d’accord avec ce point de vue. L’Abbe lui-même confirme que l’Église est d’accord et rappelle que « LE VOILE FAIT PARTIE DE SON PATRIMOINE, DE SA LITURGIE, DE SA PARAMENTIQUE (de son habillement). ELLE A CONNU LE VOILE, IL Y A DE CELA PLUS DE 2000 ANS, BIEN AVANT BEAUCOUP DE RELIGIONS (cf première lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens : 1Cor 11, 2-16) ». Il martèle que « l’Église n’a pas peur du voile ». Mais de quelle peur parle-t-il. L’esprit de confrontation religieuse qui transparait dans la tribune de l’Abbe dénote avec celui du PM, apaisant et consensuel. Cette peur renvoie peut-être à la décision administrative prise en 2017, de fermer le Groupe scolaire Yavuz Selim. A l’évidence une telle décision n’est plus possible en dehors des tribunaux, dans ce Sénégal nouveau. Et on imagine mal le Président ou le PM initier une telle décision.
Je doute d’ailleurs que ce texte soit partagé par le Clergé catholique dont l’Abbe se dit membre. Cette instance a joué un rôle essentiel dans la survenue de l’alternance, dans le sillage de guides exceptionnels comme les Cardinaux Thiandoum, T A Sarr ; l’évêque de Dakar B Ndiaye, L’Abbé J Seck, etc. La libération de Mamadou Dia, dont se réclament le PM et son parti, doit beaucoup aux interventions répétées du très regretté Cardinal Thiandoum auprès du Président Senghor.
A la réflexion, le texte de l’Abbe procède d’une inimitié compulsive envers la personne du PM, longtemps contenue et qui a fini par déborder, à son corps défendant. En effet, on se demande bien de quoi l’Abbé se plaint, s’il écrit lui-même que « l’Église accepte le voile depuis 2000 ans bien avant beaucoup de religions ». Sous-entendu l’Islam qu’il n’a pas eu le courage de citer. Mais c’est une évidence acceptée par tous les musulmans. Ce n’est un sujet de débat que dans l’esprit de l’Abbé
L’argument religieux écarté, le texte tombe dans le terrain de la polémique politicienne que l’Abbé refuse d’assumer. L’inimitié envers la personne du PM qui gicle de sa plume, l’aveugle au point de l’amener à se trahir en assumant des défauts qu’il reproche au PM.
A propos de la politesse, il dit : « La politesse est l’apanage, le langage des rois et des princes. Elle est une clef en or qui ouvre toutes les portes » (proverbe tunisien)
« Soyez polis, écrivez diplomatiquement, parlez poliment. Même une déclaration de guerre doit observer les règles de la politesse » (Otto von Bismarck) »
Pense-t-il faire preuve de politesse, lui en tant qu’homme de Dieu en traitant le Pm de « jeune politicien nouvellement promu à un haut poste de responsabilité ». Respecte-t-il le Peuple Sénégalais qui a répondu à l’invite de Ousmane Sonko, en élisant le candidat qu’il a désigné, avec une majorité de plus de 54%. Le cas est unique dans l’histoire du pays et rare dans le monde. De plus, son jugement est excessif et haineux, s’agissant surtout d’un homme de Dieu comme lui. « Ô les croyants ! Soyez stricts (dans vos devoirs) envers Allah et (soyez) des témoins équitables. Et que la haine pour un peuple ne vous incite pas à être injustes. Pratiquez l’équité ! cela est plus proche de la piété. Et craignez Allah. Car Allah est certes Parfaitement connaisseur de ce que vous faites. »
[Al-Ma’ida v.8] ». La discourtoisie est également perceptible lorsqu’il reproche aux musulmans, de croire en un « fuyard qui aurait échappé à la souffrance et à la mort ». J’y reviendrai plus loin.
Quant à son invite à s’inspirer de Bismarck, elle est simplement provocatrice et indue vis-à-vis de son propre Peuple africain, lui qui prétend donner des leçons de panafricanisme au PM. Quels échos Abbé espère-t-il de cette invite insensée à s’inspirer de Bismarck, l’organisateur de la Conférence de Berlin, qui a abouti au dépeçage du continent africain le 15 novembre 1884. Il est l’initiateur des génocides des peuples de Namibie, de Tanzanie, du Togo. Le rapport Whitaker PUBLIÉ par l’ONU en 1985, fait état de 65 000 Herero (80 % de la population) et 10 000 Nama (50 %) exterminés entre 1904 et 1907. C’est le premier génocide du XXème siècle. C’est un très mauvais exemple qu’on donne à la jeunesse panafricaine. Rien ne saurait le justifie. Pas même l’hostilité aveuglante envers un adversaire politique (il s’agit bien de cela) ! L’Abbé serait bien avisé de puiser des modèles à proposer à la jeunesse de son pays, parmi les hommes de Dieu, penseurs et philosophes dont le Sénégal regorge (S Touba, EL M Sy, S Limamou Laye, C I Niass, Cardinal Thiandoum, Kocc Barma, S. Moussa Ka, etc.). Les constructions littéraires et les allusions à Bergson ou Montaigne n’ont aucune prise sur les populations.
Vous reprochez au PM d’avoir utilisé le pronom personnel « On ». A l’évidence, en s’adressant aux lauréats, le PM parlait, non pas en son nom propre (comme vous l’avez cru), mais au nom du Gouvernement c’est-à-dire es qualité. Il ne s’est donc pas « caché ». En revanche, dans votre texte, vous vous êtes gardé de citer nommément Ousmane Sonko. Vous n’avez même pas eu l’élégance ou la courtoisie d’évoquer son titre de PM. Vous vous êtes borné à l’appeler dédaigneusement « jeune politicien nouvellement promu ». Alors qui se cache ? Derrière qui ou quoi. Le courage est un trait caractéristique de la personnalité du PM. Tous ses adversaires le reconnaissent.
Dans le même ordre d’idée et parlant de la crucifixion de Jésus (PSL), vous lancez des invectives contre les musulmans qui « auraient cru en un fuyard qui aurait échappé à la souffrance et à la mort » (Astakhfiroulah !!). Plus loin, vous dérapez et délirez complètement en parlant de « Dieu comme d’un éternel mineur (…) ». Le musulmans que je suis pardonne ces injures. Le reste est entre Dieu (SWT) et toi. Lorsque la haine envers le PM te laissera un moment de lucidité, médite ce magnifique passage du Saint Coran : »Dites « nous croyons en Allah, en ce qui nous a été révélé, et en ce qu’on a fait descendre vers Abraham et Ismaël et Isaac et Jacob et les tribus, et en ce qui a été donné à Moïse et Jésus, et en ce qui a été donné aux Prophètes venant de leur Seigneur : nous ne faisons aucune distinction entre eux. Et à Lui nous sommes Soumis » (S2/V136).
Dans sa quête insensée et éperdue d’une vocation de martyr, l’Abbé martèle qu’il n’a pas peur . Mais peur de quoi ? A part la rigueur de la loi en cas de transgression des valeurs pénalement protégées de la République laïque ?
Après sa sortie largement ignorée et méprisée, l’Abbé achève de faire son marché lexical dans les étals les plus nauséabonds, les plus fétides des ennemis du PM. Les provisions qu’il ramène de ce marché singulier pour un « homme de Dieu », achève de convaincre que son texte est éminemment politique. Rarement on aura vu de la part d’un homme de Dieu, une haine aussi crue, une hostilité aussi primaire. Jugez-en : « Gatsa-Gatsa, arrogance, inélégance, précipitation, « Dandy » en guerrier comme Goliath suffocant et étouffant dans son armure de guerre en bronze, « prendre Dieu comme un éternel mineur (…) », probité morale », et autres insanités indignes d’un homme d’Église et que je m’abstiendrai de rapporter par respect pour mes frères chrétiens. Avant de promettre au PM la perte prochaine du pouvoir. En attendant cette échéance lointaine, l’Abbé gagnerait à rejoindre les hommes de Dieu (SWT), sur le chemin de l’équilibre et de la mesure. La haine, la malveillance et l’hostilité envers son prochain confinent à l’animalité dans une société qui transcende les races, les religions et les sexes et où la seule race qui vaille est la race humaine.
Soyez en paix Abbé, le cœur léger !
Abdou SAKHO
Économiste