Parfois certains acquis de vie ne procèdent d’aucun esprit de méthode, si cher au Président Senghor. Ils résultent le plus souvent d’un concours de circonstances, d’aléas ou de facteurs conjoncturels. Le secteur informel n’échappe pas à cette typologie.
A force d’évolution et d’adaptations, cette « économie de périphérie » a survécu, s’est maintenue vaille que vaille et a prospéré au grand étonnement quelque peu teinté de « mépris joyeux » de tout un monde médusé. A l’arrivée, le fait informel compte. Et sans lui, Lambaaye aurait été comme Waterloo d’antan : échec, déroute, défaite, humiliation et… hécatombe !
Aujourd’hui, si une vive vulnérabilité est devenue une force vive, cela découle d’une longue patience et d’un incontestable cumul de volontés.
Les acteurs ont tissé entre eux des liens solidaires, se donnant la main pour survivre et, avec la modestie qui les habite, ils accomoplissent au quotidien des prouesses dignes de narratifs ou de récits. Pour l’instant l’histoire se déroule. Le décryptage suivra, plus tard…
Le marché des HLM et celui de Diaobé traduisent mieux que tout le génie de la résilience et surtout le défi à la légèreté confondante des pouvoirs publics. Lesquels, dépourvus de profondeur, ont eu à leur égard des comportements irréfléchis, imprudents, excessifs et déroutants. En vérité, cette distance cache mal un manque de sérieux voire une absence de discernement pour détecter une montée en puissance d’un secteur qu’on tentait d’étouffer.
Personne n’a vu « venir » le marché des HLM. Il était une excroissance de Sandaga pour désengorger le Plateau, haut lieu de la bienpensance d’alors.
A l’époque, les HLM se souciaient de « tenir le rang » par diverses initiatives dont celle de capter les attentions en déroutant les itinéraires. D’ailleurs les premiers occupants reproduisaient à l’identique les activités du centre ville. Mais, bénéficiant de plus d’espaces, d’ailleurs vite engloutis par l’afflux continu de nouveaux acquéreurs de cantines, la diversité des offres a complété la naissante chaîne des valeurs : tissus, intrants, joaillerie, broderie, couture, tailleurs, modes et tendances. L’identité remarquable du marché des HLM se construisait laborieusement.
En écho, celui de Diaobé, dans la région de Kolda capitalise sur son caractère hebdomadaire et polarise les intérêts convergents de nombre de pays frontaliers. Son envergure sous-régionale se précise au gré des affluences, des échanges et des transactions. Il devient un carrefour commercial de premier plan où se déterminent les cours des denrées, les volumes, les ventes et les achats ou les commandes.
Son attrait séduit beaucoup d’acteurs qui ne ratent pour rien au mondel ce fameux rendez-vous d’Afrique de l’Ouest. Par la variété des produits du crû qu’il propose, ce marché est un vecteur de pénétration en facilitant l’accès et l’écoulement en toutes saisons des productions agricoles, avicoles ou pastorales.
Les deux marchés, par leur vitalité débordante, ont bâti leur notoriété sur la qualité des offres, le niveau des échanges et les satisfactions mutuelles.
Quelques trois à quatre milliards de francs CFA changent de mains chaque jour sur le marché des HLM. Nigérians et Ghanéen privilégient la destination Sénégal grâce au professionnalisme des tailleurs et autres couturiers du pays dont la maîtrise des coupes et les finitions enchantent le business dans ces pays anglophones.
Même l’Angola, le Kenya, la Tanzanie et le Botswana s’alignent sur la planète Sénégal. Il n’est pour s’en convaincre que d’observer l’étendue de la diffusion des modèles d’habillement à l’échelle du continent.
Non sans fierté, les Africains s’habillent « chic et roots », ce qui trouble le jeu des vendeurs de costumes à l’européenne. Une telle inversion symbolise un renversement de préférences avec des choix diversifiés tout en restant sur des tonalités africaines.
Le virage, doublé d’un challenge, met à l’épreuve la création et la.creativité africaines vantées par les « têtes d’affiche » de scène publique : Chefs d’Etat, ministres, plénipotentiaires, artistes et sportifs de renoms portent joliment les labels d’Afrique. Tous les talents d’expression visuelles et vestimentaires se manifestent ostensiblement.
Hier c’était le vide, de nos jours c’est presque le trop-plein ! Les parts de marché s’accroissent au vu des exercices ou des profits. Les peuples s’enflamment mais papillonnent moins ce qui traduit un bouillonnement d’idées et l’éclosion d’audaces.
De ce fait, la pratique des affaires rapproche davantage les acteurs en même temps que s’établit entre eux des rapports de confiance. En revanche, les banques et les établissements financiers brillent par leur chronique absence et constituent le chaînon manquant de ces dynamiques économiques.
Elles doivent changer de lunettes et s’apercevoir que d’autres modalités d’appui commencent à pénétrer l’Afrique par sa partie orientale avec de richissimes hommes d’affaires indiens, pakistanais, omanais, émîrati, kowétiens et jordaniens, tous séduits par ce regain d’intérêt pour cette Afrique « qui en veut davantage »,grâce justement culot des jeunes générations.
Ces réussites à grand-peine, soulignent le chemin parcouru et reflètent le mental des Africains décidés à franchir de « nouvelles frontières ».
Les jonctions de succès secouent des immobilismes inhibiteurs et galvanisent les jeunes en quête de repères de progression censés les débarrasser des fatalités de conditions.
Par sa position géographique, Diaobè impacte son environnement immédiat et lointain. Il s’érige en un socle d’attractivité par l’impulsion qu’il secrète en devenant à terme un giron des affaires.
Naturellement son évolution devrait épouser l’esprit de modernité en misant sur des facteurs de différenciation pour consolider son originalité. Tous les acteurs qui le fréquentent assidûment louent le marché de Diaobè pour sa fécondité et sa polarité.
Dès lors comment s’explique la lenteur des industriels à saisir l’opportunité qu’offre ce marché pour rénover ses attributs comparatifs. Les pâtes alimentaires et l’huile de palme méritent un meilleur sort dans le conditionnement.
A son tour, le marché des HLM a besoin d’être lifté, élargi et équipé. L’espace qui lui est dédié le dessert même après avoir fagocité plusieurs devantures de maisonnées jouxtant le périmètre central.
Paralysée au sommet, l’intégration constitue une réalité tangible du fait des brassages des peuples. Les marchés sont des exemples édifiants en ajoutant des pierres d’angle à l’édifice.
Par Mamadou Ndiaye