À Ziguinchor, l’ONG italienne ACRA a réuni, lors d’un atelier régional de capitalisation, les acteurs institutionnels, techniques et communautaires impliqués dans la mise en œuvre de ses projets WASH (eau, assainissement et hygiène) dans le sud du Sénégal. Depuis 2006, ACRA agit dans la région naturelle de Casamance, couvrant les départements de Ziguinchor, Bignona, Oussouye et même certaines zones de la région de Sédhiou. À travers des partenariats étroits avec l’État sénégalais, l’OFOR (Office des Forages Ruraux), les collectivités territoriales et les bailleurs internationaux, l’ONG a déployé des infrastructures durables et un appui technique ciblé au profit des communautés rurales souvent oubliées.
Pour Amélie Girel, coordinatrice de la base sud d’ACRA et responsable du volet WASH, cet atelier est un moment clé de redevabilité vis-à-vis des populations, des autorités et des bailleurs. « Ce sont des projets qui ont démarré en 2006. Certains sont anciens, mais ils nous ont permis de couvrir une population importante, avec notamment des réseaux d’eau potable étendus, l’installation de latrines familiales et d’édicules publics dans les écoles », a-t-elle expliqué. Les choix d’intervention sont réalisés en lien étroit avec les priorités identifiées par l’État et l’OFOR, sur la base des besoins les plus urgents des populations vulnérables.
Malgré les succès enregistrés, des défis importants subsistent. Certains sont structurels, comme la dépendance à des infrastructures de base (forages, châteaux d’eau) qui doivent être en bon état pour permettre l’extension des réseaux. D’autres relèvent de la diversité des exigences des bailleurs, qui orientent parfois les priorités soit vers l’eau potable, soit vers l’assainissement. À cela s’ajoute la question cruciale de la qualité de l’eau, pour laquelle ACRA a intensifié les efforts de traitement, notamment par la chloration sur site. Le passage aux énergies renouvelables est aussi une évolution significative intégrée progressivement dans les projets.
Pour assurer la durabilité des infrastructures, ACRA a mis en place un dispositif de suivi rigoureux. Des équipes sont mobilisées pour évaluer régulièrement l’état des réseaux, en lien avec les comités de pilotage locaux. À terme, l’ONG entend renforcer le plaidoyer auprès des autorités locales pour assurer une meilleure appropriation et pérennisation des acquis par les communautés et les institutions.
Présidant l’atelier, Alseyni Bangoura, adjoint au gouverneur de Ziguinchor chargé du développement, a salué cette démarche participative : « C’est un exercice de redevabilité auquel nous nous sommes prêtés avec satisfaction. Les populations, les ASUFOR, les élus locaux, tous ont exprimé leur reconnaissance. Les résultats sont visibles, avec un accès réel à l’eau potable dans des zones très reculées et la construction de latrines dans des ménages éloignés des centres urbains. ACRA a joué un rôle important dans la réduction des inégalités territoriales. »
Bassirou Sambou, adjoint au maire de Mangagoulack, partage ce constat : « ACRA a permis l’accès à une eau potable sécurisée, là où auparavant les populations consommaient une eau non traitée. Cela a eu un impact direct sur la santé et a allégé la charge de travail des femmes, qui n’ont plus à parcourir des kilomètres pour aller puiser de l’eau. » Il souligne également l’importance de la formation locale : comités de gestion, conducteurs d’eau et plombiers ont été formés pour garantir une gestion autonome des infrastructures.
Cependant, un obstacle demeure selon l’élu local : la gestion de l’eau n’est pas encore une compétence transférée aux collectivités territoriales. Il plaide pour que l’État facilite ce transfert, indispensable à une gestion durable et de proximité.
Malgré la fin programmée de certains projets, les représentants de l’État assurent que l’accompagnement institutionnel ne s’arrêtera pas. Car l’eau et l’assainissement relèvent de missions régaliennes. En ce sens, les interventions d’ACRA ne se substituent pas à l’État, mais l’appuient dans son rôle, en rapprochant les services essentiels des populations les plus éloignées.
En presque deux décennies d’action, ACRA a ainsi contribué de façon tangible à améliorer les conditions de vie en Casamance, tout en posant les jalons d’un développement local plus équitable et plus autonome.
Emedia