Lors de son passage dans l’émission Jury du Dimanche, sur iRadio et iTV, Youssou Diallo, ancien collaborateur d’Amadou Bâ, a tenu des propos sans équivoque : selon lui, l’ancien Premier ministre « n’est pas un opposant », mais « un homme de pouvoir et du pouvoir ». Une déclaration qui résonne dans un contexte politique sénégalais marqué par l’absence de leadership clair au sein de l’opposition.
Candidat malheureux à la dernière présidentielle avec 35,7 % des voix, Amadou Bâ semblait, au lendemain du scrutin, naturellement désigné pour incarner le contre-pouvoir. Pourtant, il s’est éclipsé du débat public, abandonnant progressivement l’idée de prendre les rênes de l’opposition, voire de son propre camp. Le poste de chef de l’opposition, un temps évoqué, est resté vacant. Une disparition presque volontaire, comme si assumer ce rôle relevait d’un autre métier, incompatible avec le profil d’un homme formé et façonné dans les arcanes du pouvoir d’État.
Youssou Diallo, aujourd’hui président du Club Sénégal Émergent, décrit Amadou Bâ comme une personnalité discrète, peu portée sur le terrain, mais plus à l’aise dans les logiques de gestion et de gouvernance. Un technocrate avant d’être un tribun. Un homme qui ne se sent véritablement légitime qu’en position de décideur.
Cette posture interroge alors que l’opposition sénégalaise peine à se structurer face à un pouvoir présidentiel toujours centralisé. Le régime actuel, malgré les espoirs suscités par l’alternance, perpétue une verticalité du pouvoir dénoncée sous les mandats précédents. La répression des voix dissidentes, les arrestations arbitraires et les atteintes aux libertés publiques rappellent les travers d’une démocratie encore fragile.
Pour Youssou Diallo, rien n’a fondamentalement changé : « Le président bénéficie toujours d’un excès de pouvoir », dit-il. La démocratie sénégalaise traverse une zone grise, entre stagnation institutionnelle et absence de contrepouvoir structuré. Pendant ce temps, les figures politiques capables de polariser l’opinion, comme Ousmane Sonko, continuent de capitaliser sur ce vide, bénéficiant d’une forme de flou qui leur est politiquement favorable.
« Il est bon d’endurer dans la vérité », conclut Youssou Diallo. Reste à savoir combien, dans cette classe politique, sont prêts à l’endurer.
Boubacar Diop, Stagiaire
Photo : Pape Doudou Diallo