Le journaliste d’investigation Mamadou Seck, grand reporter au quotidien L’Observateur, publie son quatrième ouvrage consacré à la pandémie de Covid-19. Intitulé Face cachée de la lutte contre la Covid-19 au Sénégal : science contre politique, ce livre d’une centaine de pages propose une plongée documentée et sans concession dans les coulisses de la gestion de la crise sanitaire au Sénégal. À travers une approche mêlant enquête journalistique, témoignages exclusifs et analyse critique, l’auteur explore les dimensions hospitalières, financières et organisationnelles de la riposte, tout en abordant des dossiers sensibles comme les vaccins, l’oxygène médical, la coopération internationale et la souveraineté pharmaceutique africaine. La cérémonie de dédicace est prévue vendredi prochain à 16 heures au Fleur de Lys Plateau.
Dans cet ouvrage, Mamadou Seck revient notamment sur la controverse mondiale autour de l’origine du virus. Il rappelle que si le Sars-CoV-2 est apparu à Wuhan, aucune preuve scientifique ne permet d’affirmer qu’il s’est échappé d’un laboratoire. La virologue chinoise Shi Zhengli, figure de proue de la recherche sur les coronavirus des chauves-souris, avait publiquement rejeté ces accusations dès juillet 2020. Dans une interview accordée à Science Magazine, elle expliquait que les recherches menées dans la province du Hubei n’avaient pas mis en évidence de virus étroitement liés au Sars-CoV-2, appelant à une coopération scientifique internationale plutôt qu’à des polémiques infondées.
Le livre retrace également les débuts de la pandémie au Sénégal. Le premier cas confirmé est celui d’un voyageur de retour des Alpes, passé par l’Espagne avant d’arriver à Dakar. Le 29 février 2020, ressentant les premiers symptômes, il contacte Sos Médecins. Le diagnostic marque le point de départ d’une crise sanitaire sans précédent dans le pays.
Dr Massamba Sassoum Diop, directeur général de Sos Médecins, témoigne de cette période critique. Ayant exercé à la fois en France et au Sénégal durant la première vague, il souligne un paradoxe marquant : alors que les Africains représentaient une part importante des hospitalisations en réanimation en région parisienne, la gravité des cas semblait moindre en Afrique subsaharienne. Selon lui, le fait de résider en Afrique, plus que l’origine ethnique, aurait joué un rôle protecteur, en raison notamment de la jeunesse de la population et d’une immunité croisée liée à l’exposition à d’autres coronavirus responsables de rhumes bénins. Il cite une étude tanzanienne montrant une présence significativement plus élevée d’anticorps neutralisants dans des sérums africains prélevés avant la pandémie.
L’ancien ministre de la Santé, Abdoulaye Diouf Sarr, revient pour sa part sur la décision controversée de ne pas rapatrier les étudiants sénégalais vivant en Chine au début de la crise. Il explique que ce choix reposait sur la confiance accordée au système de santé chinois, jugé robuste et mieux préparé, ainsi que sur la volonté de limiter les risques de propagation. Une cellule psychologique de suivi à distance avait été mise en place pour accompagner les étudiants, et aucun décès n’a été enregistré parmi eux.
L’un des chapitres les plus poignants du livre est consacré au décès de Pape Diouf, ancien président de l’Olympique de Marseille et première personnalité sénégalaise emportée par la Covid-19, le 31 mars 2020. Thierno Seydi, agent de joueurs et proche de Pape Diouf, livre un témoignage bouleversant sur l’impact psychologique de cette disparition brutale. Il évoque une douleur profonde, une période de dépression marquée par l’insomnie, et le rôle salvateur de la foi, du soutien familial et religieux dans son processus de résilience.
Le professeur Moussa Seydi, alors chef du service des maladies infectieuses de l’hôpital Fann, raconte les conditions difficiles de l’hospitalisation de Pape Diouf. Faute de place au Centre de traitement des épidémies, saturé, le patient avait été admis dans un ancien service vétuste. Les équipes médicales avaient dû improviser en transformant une salle de réanimation cardiaque en unité Covid-19. Malgré une prise en charge rapide et l’engagement des soignants, l’état de Pape Diouf s’est détérioré rapidement. Selon le professeur Seydi, même une évacuation sanitaire à l’étranger, envisagée un temps, n’aurait probablement pas changé l’issue fatale.
À travers ces récits croisés, Mamadou Seck propose un regard lucide et percutant sur une période qui a profondément marqué le Sénégal. Son ouvrage se veut à la fois un devoir de mémoire, une contribution au débat public et un plaidoyer pour une meilleure préparation sanitaire, fondée sur la science, la transparence et l’autonomie stratégique du continent africain.
Emedia









