J’ai rencontré Pape Alé quand il avait 22 ans, alors qu’il poursuivait ses études de journalisme et couvrait fréquemment les activités des partis d’opposition, notamment celles d’And Jëf/PADS dirigé par Landing Savané, parti auquel j’appartenais à l’époque. Je me souviens très bien de ce jeune homme à la corpulence fine, au regard malicieux et au verbe taquin. Sa perspicacité ne laissait personne indifférent.
Dans la cour de notre siège du quartier de la Zone A, nous discutions souvent de sujets divers et variés, et son caractère frondeur et déterminé se révélait à chaque tour d’idées et d’arguments. Déjà, il inscrivait son action de journaliste en herbe dans la remise en question de l’ordre établi et la lutte contre les injustices. Il est resté fidèle à son engagement de jeunesse dans un style tout à fait particulier. On oublie souvent de dire qu’on lui doit un style journalistique spécifique au Séégal : la revue matinale des titres des journaux en langue nationale. Par sa voix fluette et son humour caustique en langue de Kocc Barma qu’il maîtrise parfaitement, Pape Alé a contribué incontestablement à l’éveil politique des populations.
Sous les régimes des présidents Abdoulaye Wade et Macky Sall, il a choisi de se positionner en inquisiteur plutôt que de négocier des avantages et privilèges pour son confort personnel et celui de sa famille. Qu’on soit d’accord avec ses idées ou pas, qu’on aime son style baroudeur ou qu’on le désapprouve, on ne peut que lui reconnaître un courage hors du commun. Connaissant Pape Alé depuis sa jeunesse, je redoute que ce courage ne le conduise à la mort. Pape Alé ne doit pas mourir ! Tout doit être mis en œuvre pour qu’il soit libéré et retrouve sa santé avant qu’il ne soit trop tard.