Après les accusations du gouvernement contre l’ancien régime, Macky Sall a déclaré que «les propos du Premier ministre sont totalement faux» et que l’endettement a servi à réaliser des infrastructures. Abdourahmane Sarr estime justement qu’«emprunter pour financer le développement est une erreur». Il explique : «Un Etat a un déficit, il emprunte pour financer son déficit de façon soutenable, pour rendre des biens et services de qualité à ses citoyens. Il ne s’agit pas de financer le développement. Ça c’est le cadre macro-économique bien assainie, d’un Etat bien géré.»
Falsification des chiffres : «Un crime n’est jamais parfait»
Il s’est prononcé, par ailleurs, sur les missions du Fonds monétaire international (Fmi) et les «faux chiffres» dévoilés par le gouvernement. «Moi-même j’ai participé à ce type de mission. Le Fmi vient dans un pays. Première chose : les experts envoient un questionnaire aux différentes administrations. Et ce sont les autorités du pays qui donnent les informations avec lesquelles le Fmi travaille. Alors, les experts et techniciens sont en mesure de détecter des incohérences dans les données qui ne sont pas toujours parfaites. D’ailleurs, dans chaque rapport du Fmi, il y a un avis qui est donné sur la qualité des données du pays et qui permet une bonne évaluation de la situation et d’avoir un programme avec le Fmi. Donc, c’est un travail que les experts font. Mais d’expert à expert, si moi je veux vous cacher des chiffres et je sais comment les chiffres se tiennent, je peux faire en sorte que vous ne puissiez pas les voir. Si je ne fais pas ce travail d’harmonisation, vous Fmi, pouvez ne pas découvrir que les chiffres sont erronés. Mais à un moment donné, c’est comme un crime. Un crime n’est jamais parfait parce qu’il est toujours possible de découvrir le coupable. Alors, d’habitude, c’est le Fmi qui découvre, le miss reporting, en termes de transmissions de données erronées. Dans le cas d’espèce, c’est le ministre des Finances et du budget, à travers l’audit qu’il a commandité sur instruction du président de la République, qui a donc découvert ces chiffres-là et qui a dit au Fmi ‘’nous n’irons pas au Conseil avec des données erronées’’.»
Pourquoi nous avons besoin du Fmi
Dans sa dernière mission au Sénégal du 9 au 16 octobre, le Fmi a salué l’audit de l’Inspection générale des finances (Igf), même s’il dit attendre la certification des chiffres par la Cour des comptes. Cependant, l’équipe de Edward Gemayel s’est dit disposé à coopérer avec le régime. «Nous avons besoin du Fmi parce que nous avons des gaps que nous n’arrivons pas à financer de manière autonome sur le marché. Et nous avons besoin du Fmi, non pas pour nous développer mais pour donner un signal à ceux qui lui font confiance. Travailler avec le Fmi ne veut pas dire perdre sa souveraineté», a dit le spécialiste des questions monétaires et macroéconomiques.
Hamath Kane
Pape Doudou Diallo (Photo)