À quelques semaines du coup d’envoi de la CAN 2025, le football africain fait face à une nouvelle décision qui illustre, une fois encore, la place marginale qu’on lui accorde dans le calendrier mondial. En autorisant les clubs à retenir les joueurs jusqu’au 15 décembre ; soit seulement six jours avant le début de la compétition, la FIFA a déclenché une vague d’indignation sur tout le continent. Pour de nombreuses sélections, ce retard de mise à disposition n’est pas un simple contretemps : c’est un coup porté à la préparation d’une compétition majeure, dont la qualité repose en grande partie sur la cohésion et le travail collectif en amont. Beaucoup de pays avaient déjà planifié des stages dès le 8 décembre, programmé des matchs amicaux, réservé des infrastructures et engagé des budgets importants. Tout cela se retrouve balayé par une décision perçue comme un geste de mépris, ou à tout le moins de négligence.
Ce n’est pourtant pas la première fois que la CAN est reléguée au second plan. La compétition devait initialement se tenir en été, ce qui aurait permis d’éviter toute confrontation directe avec les calendriers européens. Mais elle a finalement été repoussée en décembre pour laisser la place à la nouvelle Coupe du Monde des Clubs, un tournoi porté par la FIFA pour des raisons avant tout économiques. Ainsi, après avoir déjà été déplacée pour s’adapter à un projet clairement orienté vers les intérêts commerciaux des clubs les plus puissants, la CAN se trouve à nouveau fragilisée par une décision qui réduit les sélections africaines à une variable d’ajustement.
Ce nouvel épisode vient nourrir un malaise plus large : le bras de fer permanent entre les clubs européens et les sélections africaines. À chaque édition de la CAN, les mêmes tensions ressurgissent : réticences des clubs, pressions sur les joueurs, discours insinuant que le tournoi dérange plus qu’il ne valorise. Contrairement à l’Euro ou à la Copa América, aucune garantie forte n’est mise en place pour assurer une préparation digne de ce nom aux équipes africaines. Et bien souvent, les décisions institutionnelles semblent valider cette hiérarchisation implicite du football mondial.
Pour les fédérations, les sélectionneurs et les supporters africains, l’affaire dépasse la simple question de dates. Elle touche à la dignité d’un continent qui a fourni au football mondial certains de ses plus grands talents et offre, tous les deux ans, une compétition suivie par des centaines de millions de personnes. La réduction forcée du temps de préparation est vécue comme une négation de la valeur sportive, culturelle et symbolique de la CAN. Elle renforce l’idée que lorsqu’il faut faire de la place dans le calendrier, c’est toujours l’Afrique qui doit se plier.
La CAN 2025 s’ouvrira dans un climat lourd, mais cet épisode doit surtout amener une réflexion de fond : jusqu’à quand l’Afrique devra-t-elle accepter que ses compétitions soient sacrifiées au profit des puissances économiques du football ? La décision de la FIFA n’est pas un incident isolé ; elle est le reflet d’un rapport de force déséquilibré qui peine à évoluer. Et tant que les intérêts des clubs européens primeront systématiquement sur ceux des sélections africaines, le football mondial restera marqué par une inégalité profonde que rien ne justifie, ni sportivement ni moralement.
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