Les réformes territoriales de 1996 et 2008 font passer certains gros villages du département de Podor de statut rural à un statut de commune urbaine. Des localités dirigées par des chefs de village avant les réformes qui, à part Démette et Walaldé, étaient chef-lieu de communauté rurale. Golléré en 1996, Aéré Lao, Démette, Walaldé, Mboumba, Pété, Galoya en 2008 voient les familles titulaires de chefferie de village réduites à leur simple appellation par leur titre.
Au Fouta et mieux dans le département de Podor, l’imamat comme la chefferie de village est une affaire de coutume donc une affaire de famille. Dans les villages du Fouta comme dans la royauté, le chef de village est issu d’une famille qui, elle seule, a ce privilège de diriger. Mais si dans les communes rurales, les chefs de village gardent toujours leur statut, dans les communes urbaines, les membres des familles tributaires des « léfol » (pouvoir en Pulaar) ne le sont que de titre après les réformes de 1996 pour Golléré et une liste de communes en 2008. Ainsi en 1996, le kamalinko (titre du chef de village de Golléré) perd son pouvoir au profit du maire de la toute nouvelle commune. Le même virus atteindra les « Elimane » de Galoya et Pété, les « diom wuro » de Mboumba, Aéré Lao, Démette qui voient leur pouvoir héréditaire connaitre leur épilogue en 2008 quand ces gros villages sont devenus des communes urbaines. Mais la commune de Walaldé garde jalousement son Farba Walaldé (titre du chef de village de Walaldé) dont le nouveau sera intronisé au mois de décembre prochain.
Pourtant des chefferies instituées bien avant la colonisation françaises ont résisté plus de 40 ans après les indépendances. Des propriétés de famille reconnue qui font de l’intronisation d’un nouveau chef de village, un moment fort. 1996 et 2008 marquent ainsi la fin du pouvoir traditionnel dans 7 localités du département de Podor.
Des dépositaires impuissants devant la perte d’un pouvoir ancestral
À part les Dieng de Walaldé qui désignent toujours un des leurs pour la chefferie du village, les familles Ka de Golléré, Tall de Aéré Lao, Yall de Démette, Wane de Mboumba, Anne de Pété, Ly de Galoya se sont rendues à l’évidence en 1996 et en 2008 pour céder le pouvoir qu’elles gardaient, pourtant jalousement à travers les siècles, au maire. Ces chefs de village obligés de passer le témoin aux maires après les élections locales de 2009 ne sont plus de ce monde pour la plupart. Certains maires, par courtoisie, avaient même voulu les maintenir en faisant d’eux des chefs de quartier ou des consultants, mais les familles (tributaires de la chefferie de village) ont dû convaincre ceux qui venaient de devenir les derniers chefs de villages de Aéré Lao, Mboumba, Démette, Pété, Galoya de décliner l’offre. A. K. Wane, jeune frère du dernier chef de Mboumba explique : « en 2009, le tout nouveau maire de Mboumba a voulu faire du chef de village, un chef de quartier mais c’est la famille qui lui a demandé de refuser ». À Pété, un membre de la famille Anne éligible autrefois à la chefferie du village raconte : « la réforme a trouvé le chef de village mais le maire l’avait laissé surtout avec ses pouvoirs coutumiers à côté des chefs de quartiers. Trois ans après son décès la famille s’active pour l’intronisation d’un nouveau chef de village mais l’autorité administrative y oppose son niet attestant que dans une commune urbaine il ne peut y avoir de chef de village ». À Golléré, un notable, Kaba Déme refait l’histoire entre le maire Samba Hawoly Bousso et kamalinko Seydi Ka : « en 1996, le maire a dit publiquement qu’il ne touchera pas aux coutumes de la nouvelle commune. Mais le Kamalinko a préféré démissionner pour son âge avancé en passant le témoin à un autre. Les successeurs ont laissé la tradition se perpétuer. Il faut noter que depuis 6 ans on n’a pas intronisé un nouveau Kamalinko mais les membres de la famille Ka sont appelés partout dans la commune par leur titre, kamalinko ».
La plupart des chefs de village témoins du passage de leur village en commune pour perdre leur pouvoir au profit des maires ne sont plus de ce monde. Ainsi, le pouvoir de chef de village n’est plus qu’un héritage familial auquel les derniers chefs de village (1996 et 2008) ne se contentent que du titre honorifique.
Demba NIANG, (Correspondant à Podor)