Il n’est plus quand des enfants folâtraient sous l’œil vigilant des adultes qui, à l’observation des jeux, leur dispensaient un enseignement lié à la vie. L’application de cette connaissance aux interrelations entre des créatures. Les attitudes à adopter selon les perspectives où ils pourraient se placer. Aujourd’hui, des galopins qui se jettent les uns sur les autres, batifolent dans des médias, sont d’un autre âge. De grands garnements bercés par leurs burlesques. Face aux défis du temps présent, des inquiétudes des populations, quel plaisir ne prennent-ils pas à jouer aux idiots de la République ? Dans l’ébriété de leur égo infiniment supérieur, ivres de leur orgueil si démesuré, inconscients même de leur obsolescence, les voici qui passent du temps à baver des simagrées prolifératrices du venin de lassitude, voire de l’abstention. Ne vivent-ils pas dans un mirage qu’ils tranchent du capable ? Des revers ne dissipant plus de vaines fantasmagories. Ceux qui les écoutent se lassent et se tracassent. Souffrent du ridicule et se demandent dans quel miroir ces balourds se sont regardés qui leur reflète un simulacre de président ? Mais ces frustes poursuivent leurs rondes médiatiques sans lesquelles ils ne sont pas. Communiquant par extravagance.
Dans leur grandeur d’être hallucinés, l’illusion de leur salut, ils ne disent rien de ce qui les flageole. Profitant des médias pour mousser des enchères afin d’être des VIP des banquets d’un deal pré et ou post électoral. Conformément aux usages du milieu, il faut crier pour que les transactions se passent au mieux. Toutefois, habitués à barboter dans de petites mares, ils n’ont aucun code d’honneur. Contrairement aux caïds qu’ils voudraient paraître. Incapables de défricher, ils jouissent à semer dans la jachère. Recyclés par un jeu politicien où plus rien n’est épuré. Depuis que la raison n’est plus le fondement de la République. Pourtant, le philosophe, journaliste et essayiste Alain (Émile-Auguste Chartier) avait prévenu à travers une conférence populaire : «C’est par la Raison que celui qui s’abaisse sera élevé» (voir Le culte de la raison comme fondement de la République). Seulement, des acteurs du jeu politicien ne doutent plus de leurs désirs et vivent à déclamer des sentences, à proclamer des prétentions, à affirmer des dogmes… Ils vitupèrent pour être dans ce vent qui finit par les souffler. En attendant, leur bonheur coure vers une défiance qu’ils dénient aux autres. Des âmes raisonnables qui rament à contre-courant. Selon Alain, répéter le vrai après d’autres n’est pas user de sa raison. «Autrement la Raison nous conduira, non pas à affirmer, mais à douter».
La force qui triomphe…
Douter ! Que vous êtes accablés, vilipendés, calomniés, insultés… Des flagorneurs, des boutefeux sont faits prophètes. Leurs hâbleries ont la cote de leur langue acérée, leurs menteries, leurs gasconnades… Le dialogue des violences ayant supplanté les débats d’idées, les controverses de programmes, de méthodes, de modes de conquête et de conservation d’un pouvoir. Chaque fantôme, chaque épouvantail, chaque leader, gère un élevage de fanatiques. Une horde qui répète plus qu’il ne saisit. Le pays en pâti. «À partir du moment où les citoyens approuvent, les yeux fermés, tous les discours et tous les actes d’un homme ou d’un groupe d’hommes, à partir du moment où l’électeur laisse rentrer le dogme dans la politique et se résigne à croire sans comprendre, la République n’existe plus que de nom».
Dans ce dialogue des violences où le Sénégal s’est enfermé, plus personne n’est raisonnable. C’est sans égard, sans pitié… Un enchevêtrement d’intrigues, d’imbroglios, de tumultes… Des accommodements font long feu. La vérité n’est plus un enjeu. Que l’autre soit épouvanté, sa frayeur si grande qu’il en perd ses sens devient le jeu favori. Alors faut-il fourbir des armes pour exister. L’oubli ayant enseveli le passage de l’ange de l’avertissement. Mais, parce que «les morts ne sont mort», Alain ne dit-il pas : «La force ne triomphe pas du droit, car la lutte n’est pas possible entre la matière et l’idée. Le droit et la force ne sont pas du même ordre, et ne se rencontrent pas. La force ne peut triompher que de la force. Seulement la force qui triomphe c’est la force organisée, coordonnée.» Pourquoi lire dans un café pour connaître l’issue d’une furie ? La meute, qui pille et vole, est corrompue par le besoin. Ballotée par des borborygmes de son ventre, elle oscille, parfois, entre pitance et rapine. Faute d’un emploi décent. Un peu repue, elle traîne des pieds, décroche de cette foule qui lynche, s’étiole et languit face au peuple martyr dont le silence permet de traverser le bruit et la fureur. Au demeurant, ce n’est pas encore un triomphe de la raison. L’ignoble s’incruste en rappel. «Dire le vrai ce n’est pas encore avoir raison. Il faut aussi savoir pourquoi on dit cela et non autre chose».