Ifan. La querelle autour du détachement envisagé de Pr Ismaïla Madior Fall a réveillé ce creuset de savoir et de savoir-faire. Même des étudiants de l’Université Cheikh Anta Diop ne pourraient pas dire que c’est Institut fondamental d’Afrique noire ! La recherche, fondamentale surtout, n’a pas besoin de bruit. Que d’histoires dans ce temple historique. Que de découvertes aussi dans ce lieu de convergences des esprits scientifiques. Si l’enfant Ifan, né en août 1936, était un prénom, on aurait pu lui adjoindre des noms comme Monod (Théodore), Diop (Cheikh Anta) et tant d’autres qui ont vulgarisé cette âme scientifique dans le monde. Bés bi fouille ce stimulateur de savoirs qui est à sa 88e année.
La thèse de Cheikh Anta Diop peut être résumée ainsi : La brillante civilisation de l’Égypte antique qui a inspiré Grecs et Romains était noire et africaine. En rattachant l’Afrique à l’une des plus anciennes et l’une des plus avancées civilisations humaines, C. A. Diop défie donc l’idée d’un continent noir dénié d’histoire. «En réalité, l’Afrique est à l’origine de la civilisation humaine», explique-t-il. Mais cette affirmation, aussi valorisante soit-elle, devait être étayée par des preuves scientifiques afin d’être prise au sérieux. C’est ici qu’entre en jeu le labo de carbone 14. Le principe de la datation au carbone 14 est simple : De leur vivant, les organismes absorbent du carbone qui est rejeté après leur mort. En mesurant la quantité de carbone 14 restant dans un échantillon, les scientifiques peuvent estimer l’âge de l’échantillon en calculant le temps écoulé depuis la mort de l’organisme. C’est ce principe qui permet donc à C. A. Diop de déterminer l’âge des vestiges archéologiques qu’il étudie. Il analyse aussi le taux de mélanine présent dans les tissus des momies pour déterminer leur caractère négroïde. Ses recherches en linguistique avaient déjà montré une proximité entre la langue égyptienne et certaines langues africaines.
Le labo : Un espace de vie qui ne survivra pas à son créateur
Ce labo dédié à la science était aussi un espace de vie et un lieu de socialisation pour celui qu’on avait fini par appeler l’Ermite de l’Ifan. «Cheikh y recevait. Et tous les jours que Dieu faisait, il avait à dix heures sa conversation avec Vieux Ndiaye, le planton du Rectorat, au courant de tous les ragots et rumeurs. ‘’Il en a vu des colons, celui-là’’, disait Cheikh en ricanant. Ensuite défilaient les fidèles du Cheikhisme, des militants, …», écrit Pathé Diagne dans un livre dédié à C. A. Diop. Malheureusement, le labo connait de graves difficultés économiques au début des années 1980. «À partir des années 1980, son fonctionnement rencontre de sérieuses difficultés, notamment en raison de l’insuffisance des ressources requises pour la maintenance et le renouvellement de matériels essentiels à la réalisation des datations», écrit Cheikh Mbacké Diop, physicien et fils du Chercheur. Finalement, le labo ne survit pas à son créateur. C’est la fin d’un compagnonnage qui aura duré 20 ans (1966-1986).
Dossier réalisé par Marly DIALLO
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