Le 11 septembre 2001, suite à l’attentat qui a détruit les tours jumelles du World Trade Center à New York, les trois principales autorités de l’époque qui avaient pris la parole, le président des USA George W. Bush, le maire de New York Rudy Giuliani et le gouverneur du New Jersey George E. Pataki, avaient tenu le même discours : la première riposte à entreprendre était de reconstruire les tours en les rendant plus imposantes et plus belles qu’avant et les refaire fonctionner sans délais. Pour ces leaders, l’enjeu était de montrer à l’ennemi et au monde que leurs symboles peuvent plier mais ne rompent pas. Ainsi dit ainsi fut fait : dans un laps de temps relativement court, si l’on tient compte de l’immensité du projet, les engagements sont respectés.
Les malfaiteurs qui s’attaquent aux symboles ont généralement le même objectif, qui peut être patent ou latent : saper le moral collectif en semant la confusion. Ceux qui ont saccagé avec une brutalité sauvage l’Université Cheikh Anta Diop en juin 2023, ne font pas exception à la règle. Ont-ils atteint leur but ? – L’attitude des autorités académiques et ministérielles en donne l’impression, laissant penser que sept mois après le coup asséné par les délinquants, notre vaillante institution ne parvient toujours pas à se relever. Pire, les solutions retenues jusque-là ressemblent plus à du tâtonnement qu’à une stratégie résiliente face à l’adversité : généralisation du virtuel, délocalisation des cours à des endroits insolites, etc.
Comparaison n’est certes pas raison, mais l’esprit qui a présidé à la réaction rapide et énergique des Américains suite à la tragédie qu’ils ont subie en 2001 mérite d’être médité.
La décision de l’UCAD de suspendre totalement les cours en présentiel pendant plus de six mois se justifie difficilement. En s’accrochant aussi longtemps aux arguments sécuritaires et de reconstruction, on donne une mauvaise image de l’Etat en faisant planer l’idée que celui-ci peine à assurer la sécurité et l’éducation à ses enfants, déstabilisé par une poignée de malfaiteurs. Or, notre Etat devrait valoir mieux que cela.
A part quelques conservateurs parmi eux, les universitaires comprennent parfaitement l’importance des cours à distance (dont les cours en ligne ne sont qu’un volet) et de l’utilisation des TICs pour la formation et la recherche. En raison de leur grande flexibilité, ces opportunités permettent de faire des économies d’argent, de temps et d’espace. C’est pourquoi, en plus de l’UVS qui est une université à dominante distancielle, pratiquement toutes les autres universités ont un volet virtuel important. C’est cela qui explique la création des instituts de formation ouverte et à distance, des centres de calculs et des directions de systèmes d’information. C’est dire que la combinaison bimodale est généralisée depuis plusieurs années dans notre pays. Dès lors, quel est le sens des propos du ministre en charge de l’enseignement supérieur qui, dans ses sorties médiatiques, donne le sentiment qu’il y a une nouvelle dynamique qui tend à faire basculer notre système dans le bimodal ? N’est-il pas au courant que nous y sommes déjà ? L’UCAD n’a ni les moyens ni la vocation de s’éterniser dans le virtuel. De 2020 à 2022, bien qu’étant enseignant-chercheur dans une université « physique », j’ai dispensé tous mes cours de Licence et de Master à distance. C’était un choix objectif, décidé en concertation avec mes étudiants, sous la supervision de mon département. Et cela n’était nullement une innovation.
Au regard du contexte, il me semble urgent de prendre les mesures suivantes :
- A l’instar des autres universités, l’UCAD doit procéder immédiatement au redémarrage des cours et examens en présentiel. Utiliser de manière optimale les salles et amphis fonctionnels, en établissement un ordre de priorités selon les niveaux. Parallèlement, accélérer les travaux de réhabilitation des locaux endommagés ;
- Combler les déficits par la délocalisation de certains cours et par le recours au distanciel. Autrement dit, ces solutions relèveraient du complémentaire et non du principal, contrairement à l’option actuelle ;
- Organiser des assises nationales sur la gestion de la sécurité et les franchises universitaires. Une question complexe qui requiert une réflexion sérieuse. La « Loi no 94-79 relative aux franchises et libertés universitaires » n’est plus en adéquation avec les exigences actuelles, notamment en matière de sécurité. C’est ce déphasage qui ne permet pas la prévention, provoque des bavures policières et favorise l’impunité d’étudiants violents.
En attendant, notre université doit rester debout en prouvant sa capacité à surmonter les chocs.
Diom Wouro Bâ