De ce spectacle sans queue ni tête, faut-il en rire ou en pleurer ? Toutes les deux options sont ouvertes. À force de plaisanterie, le rictus comme les larmes déforment et inondent des visages qui ne paient plus de mine. L’état de santé de la démocratie est préoccupant. L’exception sénégalaise est bien en perte de vitesse. On est même en train de rater le train de l’histoire avec cette manie de tout désacraliser et de tout mélanger. Démocratie et anarchie. Candidat et scélérat. Le ballet inédit auprès des services en charge des élections choque et provoque un véritable malaise. Contrairement à ce qu’on entend, ce n’est pas le poste suprême que l’on profane. Clef de voûte des Institutions, le Président de la République a tous les pouvoirs chez nous. Avec ses grilles de fer, le palais reste et demeure la plus belle cour d’honneur qui soit. Bon nombre de ceux qui sont allés retirer des fiches se fichent du qu’en-dira-t-on. Sans illusion, ils savent qu’ils n’ont pas de destin national. Ils ne s’amusent donc pas avec les totems mais amusent seulement la galerie.
À leur corps défendant, il se peut d’ailleurs qu’ils n’y soient pour rien dans cette pagaille. La tâche leur a été facilitée. Dans un pays où il y a énormément d’aversion pour la discipline sur fond de crise d’autorité, on ne laisse rien passer. La vigilance doit être intraitable. Ce mot-valise d’inclusion à tout prix est à exclure et à bannir. Avec des gens de plus en plus incommodes, c’est à malin, malin et demi qu’il faut appréhender les situations.
Dans le convoi exceptionnel auquel on a eu droit, figurent des champions du contournement qui sont prêts à acheter des parrains. Les achats de conscience ont commencé avec la lame de fond de la détresse sociale et de la cupidité. Gouverner, c’est prévenir les événements et couper l’herbe sous le pied de ceux qui jouent aux plus tordus. Le cautionnement doit figurer au début du processus. Il devrait précéder le parrainage. Il arrive donc bien trop tard. On ne prône pas le moins du monde un système horriblement censitaire ou une ploutocratie où l’argent serait l’alpha et l’oméga. Mais il faut toujours surélever les barrières et garde-fous au lieu de les abaisser pour empêcher toute invasion de zombies. Tout de même, il faut édulcorer en n’étant pas sévère sur toute la ligne. Tout n’est pas mauvais dans cette explosion de candidatures qui finiront pour la plupart en mésaventure. Là-dedans, il y a aussi le mérite de la témérité et de l’engagement.
Quelqu’un comme Queen Biz, jeune starlette aux dents longues, a absolument le droit de tenter une reconversion si sa musique ne marche pas. Elle ne règne pas sur la chanson sénégalaise et ne sera pas la reine du Sénégal. Sa démarche est un manque de limites et de respect. Elle ajoute confusion et pollution qui nuisent gravement aux profils sérieux, compétents et structurés qui ne font pas de théâtre. Ce qu’on appelle démocratie ici est plus ce qui démolit la qualité au profit de la quantité. Fort heureusement, dans la brochette d’impétrants, la quantité de présidentiables n’est pas négligeable. On a relevé 206 candidats à la candidature à la date du 5 octobre. C’est un monde fou avec pour chacun une inspiration de fou. Sait-on seulement ce que c’est d’être Président de la République ? Apparemment non.
Après la sélection draconienne qui mettra les saltimbanques sur la touche, les choses sérieuses vont pouvoir commencer. Malgré les nombreux humoristes en mal de bonne blague, cette élection majeure à venir est partie pour être une masterclass, la classe de maî- tres où seront présents des noms clinquants. Ils pourraient valablement présider aux destinées d’un pays qui marche à tâtons. Organiser le scrutin est impérieux. Mais l’urgence absolue, c’est d’organiser le pays ravagé par le désordre, voire le libertinage.