Le Plan de Redressement Économique et Social (PRES) présenté par le gouvernement du Sénégal pour la période 2025–2028 se veut ambitieux et centré sur une plus grande mobilisation des ressources internes. Il prévoit un effort d’ajustement de 6 400 milliards FCFA sur quatre ans, reposant principalement sur la rationalisation des dépenses, le recyclage d’actifs publics, la mobilisation fiscale, ainsi que sur de nouveaux instruments de financement endogène.
Cependant, cette enveloppe – bien que substantielle – apparaît largement insuffisante au regard des besoins réels de financement de l’État pour cette même période. En effet, une estimation synthétique prenant en compte :
– le besoin de financement global de l’État en 2025 (déficit budgétaire + amortissement de la dette + OPEX), évalué à 5 715 milliards FCFA ;
– la somme des déficits budgétaires prévus sur 2026–2028, estimée à 2 925 milliards FCFA ;
– l’amortissement cumulé de la dette publique sur 2026–2028, évalué à 13 840 milliards FCFA, même si ce chiffre est probablement sous-estimé car fondé sur les données du Bulletin Statistique de la Dette Publique (BSDP) du premier trimestre 2024, qui ne tiennent pas encore compte des échéances issues du financement des grands projets ni du service de la dette intérieure encore impayé,
… donne un total cumulé de 22 480 milliards FCFA de besoins financiers sur la période 2025–2028.
Un plan couvrant essentiellement le budget, mais pas la dette
Autrement dit, le PRES constitue un plan de financement du budget, mais non de l’ensemble des obligations financières de l’État. Il ne prend pas en charge le service de la dette (principal + intérêts), qui reste, à ce jour, largement tributaire des financements extérieurs.
Cela signifie que, malgré l’ambition affichée de souveraineté financière et de découplage vis-à-vis des partenaires internationaux, la dépendance du Sénégal à l’égard des bailleurs extérieurs et des marchés financiers demeure intacte pour le financement de la dette publique.
Un besoin persistant de capitaux extérieurs
Au-delà du budget et de la dette, un autre facteur structurel vient confirmer cette dépendance : le déficit courant de la balance des paiements, qui s’élevait à 2 478 milliards FCFA en 2024. Ce déséquilibre externe, nourri par un déficit commercial chronique, témoigne de la nécessité d’un afflux régulier de capitaux étrangers pour équilibrer les comptes extérieurs.
Dans ce contexte, le Sénégal a structurellement besoin de capitaux extérieurs, qu’ils prennent la forme d’investissements directs étrangers (IDE) ou de dettes externes bien maîtrisées. Ainsi, toute stratégie de financement exclusivement interne ne saurait suffire à couvrir durablement les besoins de financement de l’État et de l’économie.
Par ailleurs, l’obsession d’une souveraineté financière mal définie ne doit pas conduire à une éviction du secteur privé national des marchés de capitaux domestiques. En accaparant une bonne partie ces ressources pour financer le déficit budgétaire, l’État risquerait de renchérir le coût du crédit, d’étrangler l’investissement privé et, in fine, de ralentir la croissance économique.
Une autonomie budgétaire partielle et une dépendance persistante
Si le PRES permettrait — en théorie — de financer jusqu’à 90 % des dépenses budgétaires courantes sur ressources internes, il n’offre pas de solution structurelle à la question de l’endettement, qui reste le talon d’Achille de la stratégie financière du Sénégal. Les échéances futures, notamment en dette euro-obligataire et en dettes bilatérales contractées au cours de la dernière décennie, continueront à peser sur la trésorerie de l’État.
Ainsi, la véritable indépendance financière ne pourra être atteinte que si le Sénégal parvient à intégrer dans sa stratégie de redressement :
– un plan de restructuration de la dette publique (incluant possiblement un reprofilage ou une renégociation),
– un renforcement du pilotage de l’endettement dans une logique de soutenabilité,
– une politique vigoureuse de réduction des paiements d’intérêts, notamment par la baisse du recours aux financements non concessionnels.
En résumé, le PRES constitue une avancée importante vers la maîtrise du budget de l’État, mais il reste incomplet tant qu’il n’intègre pas de réponse claire à la problématique du financement de la dette publique et des déséquilibres extérieurs. C’est à ce niveau que se joue la stratégie de développement endogène du pays, et c’est là que réside encore la dépendance structurelle du Sénégal vis-à-vis des financements extérieurs, en particulier ceux du FMI et des marchés internationaux.
Pr Amath Ndiaye
FASEG-USEG