Le Sénégal doit rester paisible et démocratique
Hier, à Genève, des Sénégalais ont manifesté sous la chaise cassée, place des Nations, devant l’ONU, pour que leur pays connu pour sa stabilité et sa démocratie ne sombre pas dans l’incertitude et le chaos. Le président Macky Sall a décidé, le 3 février dernier, de reporter sine die l’élection présidentielle qui était prévue le 25 de ce mois. Une décision surprenante prise sous la pression du Parti démocratique sénégalais. C’est le PDS de l’ancien président Wade, aujourd’hui dirigé par son fils Karim en exil au Qatar et candidat recalé à la candidature pour la présidentielle.
Le Conseil constitutionnel a rejeté la candidature de Wade fils à cause de sa double nationalité française et sénégalaise. Alors le PDS et ses nouveaux alliés de la coalition BENNO du parti au pouvoir APR (Alliance pour la République) décident d’attaquer le Conseil constitutionnel, accusant deux juges d’être corrompus par l’actuel premier ministre, qui n’est autre que le candidat de la coalition présidentielle ! On y perd la raison !
En procédure d’urgence, le 5 février, le parlement décide, sans débat, d’une loi de révision de la Constitution autorisant le chef de l’État à reporter l’élection au 15 décembre pour pouvoir inclure le fils de l’ancien président et éventuellement d’autres recalés comme Ousmane Sonko, actuellement en prison et sorti troisième de la présidentielle de 2019.
«Un groupe de consultation a lancé l’Appel de Genève pour la paix et la démocratie»
Attachés à la démocratie et à l’idée de la République, des Sénégalais ont manifesté et exprimé leur déception. Pour eux, l’actuel président n’a pas protégé la Constitution. Il a préféré se donner un bonus, d’autres parlent même de coup d’État constitutionnel. Il y a eu trois morts de trop dont un étudiant de mon ancienne université à Saint-Louis. L’image du Sénégal se retrouve craquelée, écornée et balafrée. Les appels à l’ordre des organisations sous-régionales, régionales et internationales montrent, au-delà de la gravité de la situation politique, la place qu’occupe le Sénégal dans le concert des nations.
C’est pourquoi, à Genève, un groupe de consultation composé d’éminentes personnalités de la diaspora a lancé l’Appel de Genève pour la paix et la démocratie publié en Suisse par «Le Temps» et largement par la presse sénégalaise.
Ce qui est attendu : le respect du calendrier électoral, l’organisation d’une élection transparente avec les 20 candidats déjà retenus par le Conseil constitutionnel, l’autorisation des manifestations et leur encadrement pour éviter la violence et la dégradation des biens publics et privés, la libération des manifestants, l’indemnisation des familles des victimes. Enfin le départ du président le 2 avril date d’expiration de son mandat.
Dans ses décisions du 15 février, le Conseil constitutionnel a dit que le décret de report de l’élection pris par le président est anticonstitutionnel autant que la loi du Parlement. Cette décision historique a remis du baume au cœur à des millions de Sénégalais attristés et traumatisés par la situation politique actuelle.
Le suspense demeure, cependant, car Macky Sall, qui assure qu’il respectera ces décisions, n’a pas encore fixé la nouvelle date de la présidentielle. Quinze candidats à la présidentielle sur les vingt insistent sur le respect de la Constitution. A Genève, nous réaffirmons notre appel à toutes les composantes de la nation à un sursaut d’honneur pour promouvoir le pardon et la réconciliation dans la vérité et la justice, afin de retrouver les bases solides d’un vivre ensemble paisible et conduisant au développement et l’État de droit, aspiration profonde du peuple sénégalais.
El Hadji Gorgui Wade NDOYE
Journaliste
Article paru dans La Tribune de Genève (Suisse)