Le secteur de la justice tremble-t-il si terriblement dans ses fondations que l’on veuille le refonder ? Difficile à dire. Dame Justice n’est pas parfaite comme toute œuvre humaine mais il est quelque injustice à la dépeindre comme la plus problématique au Sénégal. Et pourtant, c’est bien l’une de ses branches, le Conseil constitutionnel en l’occurrence, qui vient d’opérer l’un des plus grands sauvetages de la République depuis son indépendance. Vilipendée, huée, conspuée, l’institution a empêché de peu le saut dans le vide vertigineux dont personne ne sait où il allait mener. L’idée d’en faire une cour fait son petit bonhomme de chemin. La vie est faite de destructions créatrices sauf que ce conseil, grand seigneur malgré les profanations, est déjà dans la cour des grands depuis ce refus historique opposé à un chef de l’État sortant qui ne semblait plus avoir le sens de l’État. On peut donc bien ausculter un domaine mais il faut surtout se garder de vouloir recréer la roue, faire table rase ou marcher sur un fil comme c’est le propre des funambules. De toute évidence, ce n’est de fraîche date qu’on tente des mouvements sans avancer en rien sur ce chantier. Se pose-t-on véritablement les bonnes questions ? Est-ce la justice qui dysfonctionne ou est-ce seulement un manque criant de justesse imputable à tous ? Les griefs soulevés çà et là viennent pour la plupart de ceux qui ne respectent pas la loi. En l’occurrence, la société souffre d’une maladie presque incurable qui est ce manque sidéral de philosophie comportementale. La putréfaction des comportements ne fait pourtant que suivre la courbe du démantèlement de l’exigence et de la discipline individuelle et collective. Tout se tient et tout s’explique dans la vie. Quand on vient d’arriver et qu’on trouve un état des lieux si proche de la consternation partout où le regard se jette, il n’y a pas de choix possible. Il faut travailler dans l’urgence mais la confusion entre vitesse d’exécution et précipitation ne garantit aucune précision chirurgicale. Le bon chirurgien n’opère pas sinon très peu.
Le mot-clé, c’est la confiance
Dans un pays en mutation où opposition et pouvoir permutent et passent sans résoudre les vraies questions, les sujets d’inquiétude s’entassent sur toutes les tables de travail sans qu’aucune d’elles ne soit renversée par manque de volonté, d’intuition ou de dextérité. Y aurait-il par exemple pire ignominie que la réalité de cette foule d’enfants de la rue qui passent comme des gueux invisibles dans le décor impitoyable et désormais rustique de la capitale ? Seuls ne comptent que les enfants biologiques, encore qu’ils ne sont plus que le fruit d’un acte dans lequel ils sont rarement pris en compte. Ne parlons même pas de la prise en charge défectueuse de la jeunesse vivante et vibrante dont la crise a fait des jeunes vieux alors même qu’ils n’ont pas encore débuté dans ce monde. Quoi dire de la détresse sociale qui a mis sur orbite les attitudes de survie ? De l’insécurité au quotidien qui donne la peur au ventre, la crise d’autorité ou du logement, le cadre de vie très peu encadré ravageur de bien- être émotionnel ? Autant de matières à dissertation mais épineuses dont la seule évocation est un constat d’échec. Beaucoup de monde se défilent d’ailleurs devant cette perspective de la couronne d’épines. Tous ces sacs à problèmes interminables invitent à un traitement diligent de la part de ceux qui avaient levé la main pour proclamer leur capacité d’action. Il faut leur accorder du temps afin de mesurer la complexité des dossiers. Mais les vainqueurs écrivent l’histoire, arrêtent les agendas et n’ont pas de solution miracle. Malgré la caricature ambiante, Dame justice est miraculeusement restée une grande dame. Elle le restera d’autant mieux qu’elle inspire confiance. La confiance est le mot-clé. Telle est l’autre nom de la justice. Quand cette dernière s’absente, c’est pire que l’injustice qui s’installe. C’est la jungle qui amorcerait son avènement. Dieu nous en garde. Il n’y a pas un retour à l’état de nature. L’État de droit est droit dans ses bottes. La justice des hommes fait débat. Le tribunal de la conscience, celle de l’histoire, le temps et surtout la justice immanente en sont hermétiques. Ils resteront toujours les meilleurs juges. Les nouvelles autorités voient, sentent et connaissent mieux que personne la toute-puissance et la célérité de la justice de Dieu.
Par Assane GUÈYE