Les prédateurs fonciers dans nos murs ont un point en commun avec les envahisseurs hors les murs du vieux continent qui étaient venus coloniser l’Afrique. Le modus operandi est le même. Au XIXème siècle, à l’appel de Bismarck, Chancelier Allemand, la conférence dite de Berlin, dans un partage sordide, a découpé la terre-mère en mille morceaux. La mission civilisatrice est la pire démission morale de l’histoire. Cartes sur la table tapant du poing sur la même table et à un doigt de se battre, opérant jusqu’au bout malgré tout en bande organisée, cette Europe interlope et déstabilisatrice venait d’accomplir le casse du siècle. Leur conférence mortifère dura quelques mois. C’est quand vient le temps de la répartition du butin que les méchants dans le film règlent leurs comptes. Sur nos terres et dans nos territoires où le compte n’y est toujours pas, une mission commando quasi identique, toutes choses étant égales par ailleurs, a fait main basse sur un butin de guerre en temps de paix. Le phénomène de prédation n’est certes pas nouveau. De tout temps, il a existé en messe basse avant que tout n’éclate au grand jour. Plus on avance, plus on découvre des prix Nobel de l’ignominie, tout sauf nobles, tourner comme des vautours autour du cadastre dont la gestion est un vrai désastre. Sur un terreau fertile d’associations de malfaiteurs, les manœuvres frauduleuses explosent.
Ils n’ont fait que profiter d’un système pourri du sol au plafond
Les propriétaires terriens et des services publics à terre devant des Sénégalais atterrés se sont entendus comme larrons en foire pour réussir ce qui relève d’une spoliation. Les vrais spoliés sont les compatriotes et non les politiciens. Les extraterrestres qui accaparent les terres avec une déconcertante facilité n’ont donc rien à envier aux colons européens mais ils n’ont fait que profiter d’un système pourri du sol au plafond. En privilégiant la mal gouvernance systématique, ils s’enrichissent un peu et s’appauvrissent beaucoup. La corruption est un mal absolu comparable à la bombe atomique quand il se propage dans un pays. Personne n’est épargné. Subtiliser ce qui appartient à la collectivité n’est pas seulement une faute morale. Il s’agit d’un crime contre l’humanité. Car chaque centime volé à la communauté, chaque grain de sable fraudé à l’issue d’une distribution à la carte joue la carte de la dépossession et la paupérisation. C’est une atteinte au genre humain. Le manque d’éthique est patent. Le manque de culture est sidérant. Où a-t-on jamais vu un îlot de prospérité dans un océan de misère ? Cela est juste impossible. Et puis, qu’est-ce que l’argile humaine que nous sommes a à s’encombrer avec tous ses hectares tout en sachant que le couscous de terre sera son dernier repas.
Éviter l’injustice en voulant faire justice
Revenir sur terre en cultivant la sobriété où chacun se contente de ce qu’il a. Ne pas quitter le sol en étant altruiste et en pensant aux autres. C’est tout ce qui donne sens à la vie. Il y aurait moins d’envie, moins de jalousie, moins de laissés-pour-compte. Dans la vie, l’égalité est illusoire. Les gens sont différents. Les chances le sont autant. S’il ne fait pas de doute que les avoirs mal acquis nous rongent et finiront par nous manger crus, il est tout aussi déconseillé de tout mettre sur le même plan. Tous ceux qui ont foncé aveuglément sur le foncier ne peuvent pas être qualifiés de colons locaux. La colonisation version européenne a franchi le Rubicon et toutes les frontières de la barbarie. Seulement, quand on décide de jeter l’anathème en interne, il faut de la parcimonie et du discernement. Commettre de l’injustice en voulant faire passer la justice est insupportable. Tout faire, tout entreprendre pour ne pas figurer sur des listes rouges ou noires n’a pas de prix et vaut qu’on se dépouille de tout. C’est ce qu’il faut essayer même si ce n’est pas évident. Les blessures de la colonisation n’ont pas totalement cicatrisées.
Assane GUÈYE