Y a-t-il une pénurie d’administrateurs civils au Sénégal ? Ou est-ce que c’est le commandement territorial qui n’attire plus ? Depuis quelque temps, ce sont des départs massifs qui sont notés dans ce prestigieux corps. Gouverneurs, préfets, sous-préfets préfèrent les universités, les Directions et agences, ou d’autres destinations. Des témoignages d’administrateurs civils et même en service mais dans l’anonymat… Bés Bi a enquêté.
Manque d’attraction
Les administrateurs civils fuient-ils l’administration territoriale ? La question vaut son pesant d’or. Il est révolu l’époque où arborer la tenue beige était signe de fierté. De membre de la haute administration, son mythe et son prestige. C’est parce qu’ils sont devenus une denrée rare. La preuve, sur les 14 régions administratives du Sénégal, il n’y a pas d’adjoint au gouverneur chargé du développement. Mieux, dans les régions de Diourbel, Saint-Louis et Matam, il n’y a même pas d’adjoint au gouverneur. Ce qui pose un réel problème dans la mesure où le gouverneur est assisté dans son travail par deux adjoints. L’un est chargé des affaires administratives et l’autre du développement. Depuis quelques temps, il est noté un départ massif des administrateurs civils vers des agences, des universités et même des facultés de certaines universités où ils sont nommés au poste de secrétaire général. Comme une vague de migrations à la recherche du meilleur ! Du jamais vu dans le passé.
«La fonction est plus prestigieuse mais moins avantageuse»
En 2012 et en 2020, des gouverneurs de région nommés par décret ont préféré devenir des directeurs de cabinet du ministre de l’Intérieur. Chose inédite et impensable naguère. «C’est parce que la fonction est plus prestigieuse mais moins avantageuse en termes de retombées financières», renseigne un administrateur civil à la retraite. L’autre explication à cette mobilité des administrateurs civils du commandement territorial vers d’autres points de chute vient de ce sous-préfet : «Les gens travaillent beaucoup. Ils n’ont pas de vie de famille et sont sous pression continue. Ils sont très exposés et ne reçoivent souvent pas de soutien de la part de leurs supérieurs s’il y a problème. Et puis, il y a, depuis quelque temps, des nominations que rien n’explique. Des administrateurs civils moins expérimentés sont choisis et promus à des postes au détriment de collègues moins gradés et moins travailleurs. Certains sont épiés parce que apparentés ou supposés proches de l’opposition.»
Des gouverneurs et préfets dans les cabinets, universités et agences
Comme des gouverneurs, des préfets ont préféré enlever la tenue et être nommés directeurs de cabinet de ministre, secrétaire général d’université, de faculté et même d’agence. L’interlocuteur de Bés Bi d’ajouter : «Lorsqu’on choisissait la Territoriale, jargon utilisé pour désigner le commandement territorial, et qu’on parvenait à être nommé aux fonctions de gouverneur ou de préfet, il était impensable de quitter parce que la fonction était très respectée et même crainte. Ceux qui quittaient devenaient des ministres, des ambassadeurs ou bien des inspecteurs généraux d’Etat, mais jamais des directeurs de cabinet ou des secrétaires généraux de structure parce qu’étant des fonctions jugées dégradantes.» Si, rien n’est fait pour arrêter cette saignée, l’administration territoriale risque d’être dégarnie. A moins, comme le suggère un observateur averti, de «procéder à un recrutement massif ou bien nommer des fonctionnaires de la hiérarchie A comme adjoint au gouverneur. Dans le passé, des inspecteurs de la coopération ont été nommés adjoints au développement. C’était le cas à Fatick» à défaut de l’application de la loi d’orientation de l’administration territoriale.
Malick SY