Le président de la République, Macky Sall, a présidé, ce jeudi, l’audience solennelle de rentrée des cours et tribunaux. Pour cette année, le thème retenu est : « La protection de la vie privée ». Le chef de l’Etat a soutenu que la problématique nous interpelle tous au plus haut point, pouvoirs publics, secteur privé et citoyens et citoyennes ; mettant en lumière la nécessité d’assurer l’équilibre entre le principe de liberté et l’impératif de protéger ce qui relève de la sphère privée, y compris les données personnelles. « Dans un monde marqué par l’explosion des technologies de l’information et de la communication et la frénésie des réseaux sociaux, la vie privée, fondement de l’intégrité physique et morale est, aujourd’hui plus que jamais, exposée et menacée dans son existence. Officiel ou personne privée, nul n’est épargné ; à telle enseigne qu’on peut légitimement se demander ce qui reste de la vie privée, surtout lorsque tel ou tel aspect qui en relève est utilisé dans une volonté manifeste de nuire. Revenant sur les excellentes réflexions qui nous ont été livrées, je relève la nécessité de concilier les avancées technologiques et l’exigence de protéger les droits fondamentaux attachés à la vie privée », a déclaré le chef de l’Etat selon qui, des lois et institutions dédiées à cette protection ne manquent pas. Mais, dit-il, il y a certainement lieu d’interroger leur adéquation avec les réalités évolutives de notre temps.
En somme, estime le président Macky Sall, il s’agit surtout d’adapter notre cadre juridique en corrigeant ses imperfections et en anticipant sur les besoins futurs, au moment où nous entrons de plain-pied dans l’ère de l’intelligence artificielle. C’est sur ces entrefaites qu’il a salué les importantes réformes réalisées ces dernières années pour protéger l’intimité et la dignité des personnes. Par ailleurs, affirme le président de la République : « la protection de la vie privée n’incombe pas seulement à l’État. Elle s’impose aussi au milieu socio professionnel privé pour préserver l’équilibre entre le travail et la vie personnelle, et établir une relation de confiance et de respect mutuels entre l’employeur et l’employé ». La même exigence, explique-t-il, s’applique aux procédures judiciaires, de l’enquête jusqu’au jugement, afin de protéger l’intimité et la dignité des personnes poursuivies et des témoins, s’agissant notamment des informations qui touchent à la vie privée.
(…) « En définitive, dans une société qui se veut démocratique comme la nôtre, où la liberté est le principe et la restriction l’exception, l’exercice de protection de la vie privée ressemble à un mouvement de balancier dont l’équilibre délicat conditionne le bon fonctionnement de l’Etat de droit. C’est dire qu’au-delà des textes, certes nécessaires, le sujet du jour relève aussi de considérations d’ordre éthique et moral qui nous engagent en tant que citoyens et citoyennes liés par le contrat social et dotés du libre-arbitre, c’est-à-dire l’aptitude à nous déterminer par nous-mêmes et non par crainte d’une force coercitive. Cela ramène au devoir de responsabilité qui accompagne et valorise l’exercice des libertés individuelles et collectives. Si par définition la loi s’applique erga omnes, on ne peut garantir son application en mettant un juge ou un gendarme derrière chaque justiciable, surtout lorsque nous avons choisi l’Etat de droit et non l’Etat de police », a martelé le président Sall. Et d’ajouter : « dès lors, il me semble que c’est lorsque chacun a pleinement conscience de ses propres responsabilités vis-à-vis du contrat social que la vie privée et l’intérêt général sont mieux protégés. Je ne parle pas ici du Contrat social au sens de Jean Jacques Rousseau. Je pense plutôt à nos propres valeurs de culture et de civilisation qui nous enseignent les vertus et lois de la vie en société : am jom, am jaanu biir, am ngor, am kersa ak teggin, saangg soutoureu. Ce sont là des valeurs ancestrales connues de toutes les composantes socioculturelles de la nation sénégalaise, et qui constituent autant de barrières morales à ne pas franchir par respect pour la dignité humaine. C’est en pratiquant ces valeurs que nous revitalisons les fondements de notre vivre ensemble. Et c’est à cela que je convie chaque citoyen et chaque citoyenne ».
Cheikh Moussa SARR