Le candidat de la mouvance présidentielle a l’avantage du pouvoir. Il a plus de capacité d’action. L’appareil qui le porte a été un rouleau compresseur avant d’être mis en ballottage. Représenter la majorité comporte aussi des inconvénients. La file indienne de mécontents et d’insatisfaits dans la société n’arrête pas de se gonfler. En témoignent tous ces jeunes gens qui prennent le large et en oublient même que leur pays est un des plus stables au monde. À voir l’océan de désespoir, on est à peu près sûr que l’élection n’est pas scellée d’avance. Bien malin celui qui peut avancer le nom du cinquième président. Il faut donc se garder de toute arrogance.
La meilleure manière de diminuer les chances du premier ministre candidat est de vouloir l’imposer coûte que coûte aux Sénégalais. C’est à lui seul de faire son élection en étant audacieux et novateur. Le premier acte fort qu’il a manqué, c’était de démissionner de son poste immédiatement après sa désignation. Un candidat à la présidentielle est un homme ou une femme libre qui vole de ses propres ailes. Il démontre qu’il a du tempérament. Dans bien des situations, le chef se fait tout seul. S’il ressent le besoin d’un mentor, il n’est alors pas prêt à endosser le costume de président. Nul destin n’a jamais été tissé par une bonne étoile en se confinant dans sa zone de confort sans prendre le moindre risque. En ne se fatiguant presque pas et en étant taiseux.
C’est soit un excès d’habileté ou de l’insipidité. L’un ou l’autre a des limites. Même si le code de conduite a été payant face à un président de conseil économique et social qui a fini par aller à canossa. Même si la posture a été concluante devant l’opiniâtreté d’un ex-ministre en charge du secteur agricole qui a claqué la porte sans demander son reste ou vis-à-vis d’un ancien chef de gouvernement qui entend désormais faire la preuve de son courage moral. La camaraderie n’a jamais été autant canardée au sein de l’APR pendant que PS, AFP et autres ont décrété d’eux-mêmes l’extinction de toute ambition.
Pourquoi donc le candidat PM en apparence si sympathique souffre de tant de méfiance chez des camarades de parti ? Sa trajectoire politique qui n’est pas nette comme une flèche lui est beaucoup reprochée. De toute manière, personne ne peut survivre sans sa part d’ombre. Lui a survécu à une primaire autocratique. Depuis la fumée blanche du 9 septembre, il est sous les projecteurs. Il fait tout de même bien de ménager sa monture.
La route est encore longue. Le coup d’envoi de la campagne n’est pas encore donné. Mais un air de précampagne flotte dans l’air. L’égalité de tous les candidats retenus par le parrainage (qui aura fini de recaler les candidatures délirantes) commence à être faussée par cette sorte de dénivellement qui fait la part belle au changement dans la continuité. Un oxymore hors du temps qui rappelle un monde fini et inefficace. Changer pour ne changer laissera intactes les scories de douze années de gestion sobre et vertueuse sujette à caution.
Comme dirait l’autre, ce serait une alternance molle. Alors que l’élection à venir doit donner à chacun et à tous l’occasion de goûter du goût d’une véritable alternative comme ce fut le cas en 2000 et 2012. L’audace, l’originalité voire l’indépendance pèseront d’un poids certain dans la balance. Ce qui s’oppose à la procuration ou à l’eau tiède qui pourrait perdre tous ceux qui s’y complaisent. À un potentiel dauphin, c’est ne jamais lui rendre grand service que de lui mettre des œillères à moins que ce soit lui-même qui veut les avoir.