Le Barrage d’Affiniam, construit dans les années 70 sur le marigot de Bignona, devait constituer une réponse à la salinisation des sols en Basse Casamance, une région autrefois florissante sur le plan agricole. Soutenu par la République Populaire de Chine, le projet visait à créer une retenue d’eau douce de 23 millions de mètres cubes, afin de protéger les terres rizicoles locales et d’endiguer la montée des eaux salées. Mais aujourd’hui, plus de quarante ans après sa mise en place, les résultats escomptés restent largement insuffisants, et les conséquences pour les populations locales se révèlent dramatiques.
Bien que le barrage ait empêché la remontée des eaux salées, son impact sur l’environnement et la vie des riverains est loin d’être positif. De nombreuses terres agricoles, jadis cultivées pour la production de riz, sont désormais asséchées et inaccessibles. En conséquence, les habitants, qui étaient dépendants de l’agriculture, ont dû quitter leurs terres, entraînant une importante migration rurale. Les populations locales, organisées au sein du Cadre de Concertation Sur le Barrage d’Affiniam, expriment leur mécontentement face à un projet qui n’a pas pris en compte les spécificités du terrain ni les besoins des communautés.
Dans un mémorandum adressé au préfet de Bignona, ces populations dénoncent l’absence d’études d’impact environnemental, économique et social avant la réalisation du barrage. Elles soulignent que, quarante ans après, aucune solution concrète n’a été apportée pour résoudre les problèmes créés par l’infrastructure. Les autorités sénégalaises, bien qu’ayant lancé des travaux d’aménagement dans certaines vallées rizicoles, n’ont pas suffisamment pris en compte l’impact dévastateur du barrage sur les écosystèmes locaux. Ce paradoxe d’investissements dans des aménagements agricoles, alors que le barrage continue de perturber l’environnement, alimente le mécontentement des riverains.
Des experts, réunis dans le cadre d’un atelier sur le changement climatique, ont corroboré ces inquiétudes. Ils ont mis en évidence que le barrage a été mal dimensionné pour la vallée, ne tenant pas compte des caractéristiques spécifiques des sols et des besoins des populations riveraines. De plus, les casiers piscicoles et les vallées adjacentes, sources de revenus essentielles pour de nombreuses familles, ont été largement négligés, aggravant ainsi la crise économique et écologique de la zone.
Face à cette situation, le Cadre de Concertation demande une révision du projet. Parmi les solutions proposées, il est question de réouvrir l’embouchure du marigot afin de rétablir l’équilibre écologique de la zone. Le projet inclut également la construction d’un pont pour améliorer les conditions de circulation, ainsi qu’une contre-expertise scientifique pour évaluer l’adéquation des infrastructures existantes avec les spécificités locales. En outre, les riverains plaident pour une réadaptation des projets d’aménagement des vallées, prenant en compte les nouvelles réalités environnementales et les besoins des populations.
Les habitants de Bignona insistent sur le fait que l’avenir de leur zone dépend d’un réajustement des politiques agricoles et de la restauration de l’écosystème dégradé. Ils rappellent que la Basse Casamance possède un potentiel agricole considérable, qui pourrait être retrouvé si les autorités prennent en compte les réalités locales et les besoins des communautés, afin de restaurer l’équilibre écologique et assurer un avenir durable pour la région.
Emedia