Khalifa Ababacar Sall a lâché sur le plateau de France 24 et au micro de RFI que le président Macky Sall a délivré tout le Sénégal. Il n’a pas tort, ce leader politique au ton posé. En effet, en allant se coucher au soir du 3 juillet, beaucoup de Sénégalais pour ne pas dire tous les Sénégalais ont dormi du sommeil du juste. Convaincus qu’à leur réveil ils ne vont pas assister au bis repetita des 72h d’enfer du début du mois de juin. ‘’Dek bi takul, guedjgui débordéwul’’, dirait le chanteur Souleymane Faye.
Et pour cause, le président Macky Sall a renoncé au 3e mandat que ses affidés lui réclamaient à cor et à cris, mais dont l’option avait de fortes chances de replonger le pays dans la tourmente. Point n’est besoin de sortir les ‘’petaw’’ ou de faire du ‘’listikhar’’ pour savoir que le scénario catastrophe pouvait naître de l’issue de l’adresse à la nation du Chef de l’Etat.
Or donc, Macky Sall nous a fait pousser un ouf de soulagement en tournant le dos à ce que beaucoup de ses compatriotes craignaient entendre de sa bouche. En guise d’explication, le placide président a sorti une botte rare, pour ne pas dire inexistante, en politique sous nos tropiques : le respect de la parole donnée et écrite noir sur blanc dans son ouvrage ‘’Le Sénégal au cœur’’. Surprenante pour ne pas dire incongrue, cette sortie proférée en politique, un domaine où la démagogie, la ruse et le ‘’naxé mbaay’’ règnent en maître.
A tel point qu’en faire usage plus que de raison vous donne droit à des superlatifs du genre ‘’habile politique’’, débités par des affidés prompts à rendre hommage à la filouterie de certains de nos politiciens.
En convoquant son code d’honneur, pour se décharger du 3é mandat, Macky Sall n’a pas seulement récolté les félicitations de Khalifa Ababacar Sall. Ils sont nombreux les autres opposants, tout comme les alliés politiques ainsi que le Sénégalais lambda à applaudir des deux mains. Là où l’opposition radicale brandit la pression de la rue comme justificatif de la décision de Macky, les séduits, eux, avalisent son explication et chantent avec des trémolos dans la voix et des plumes inspirées les bienfaits du respect de la parole donnée.
On est loin du ‘’wakh wakhet’’ de l’ex président Abdoulaye Wade qui, sur le même sujet du 3e mandat, avait en 2012 bravé ses compatriotes, outrés que Gorgui puisse revenir sur sa promesse de respecter la Constitution en tournant le dos au pouvoir. Ayant fait son beurre sur cette bravade de Wade jusqu’à prendre le pouvoir, Macky Sall ne devait logiquement pas tomber dans le même panneau du reniement.
Tel est le principal enseignement de la soirée du 3 juillet que le Sénégalais de quelque bord qu’il se trouve doit avoir en tête, en se rendant définitivement compte que le respect de la parole donnée peut bien exister en politique. Voire partout ailleurs dans nos domaines d’activités professionnelles.
En effet, il est trop commode de jeter à ce sujet l’opprobre sur nos politiciens. Loin d’être des martiens, ils sont des Sénégalais secrétés par nous-mêmes, avec nos défauts et qualités. De fait, s’ils excellent dans le parjure, la fourberie et le mensonge, il convient de se demander si nous n’avons pas affaire à nos propres clones. Ils sont nombreux les Sénégalais à vivre de ‘’door’’, de filouterie, quand dans le même temps d’autres, présentant bien sous les rapports, mentent comme ils respirent en jurant sur leurs guides religieux, voire le Prophète (PSL).
Dans une permissivité proche d’une complicité, leur entourage les qualifie de ‘’lek guigne’’ (personne ayant pris un antidote au parjure) ou de ‘’doorkat’’, avant de passer à autre chose. Les laissant partir les doigts dans le nez à la recherche d’un quidam à jouer un vilain tour.
Ne soyons pas surpris ni outrés qu’une telle société puisse enfanter aujourd’hui en politique des Machiavel capables de par leurs actes de nous replonger dans les pires reculs démocratiques. La meilleure des parades consiste à nous abreuver à la source d’un de nos ancêtres, en l’occurrence Birima, l’homme à la parole immuable…