Les premiers chiffres de l’exploitation pétrolière au Sénégal ont suscité de nombreuses réactions après leur publication par Le Marché, magazine spécialisé dans les questions économiques. Sur les 1 536 milliards de francs CFA générés, seuls 67 milliards ont été reversés directement à l’État sénégalais. Une situation qui, bien que surprenante pour une partie de l’opinion publique, s’explique par des facteurs techniques, économiques et contractuels.
Interrogé par le quotidien L’Observateur, l’économiste de l’énergie Ibnou Sougoufara rappelle que le projet pétrolier sénégalais est encore dans une phase initiale. À ce stade, la part revenant à l’État est structurellement limitée. En effet, les compagnies engagées dans l’exploration et l’exploitation – notamment l’australienne Woodside – doivent d’abord récupérer leurs investissements initiaux, appelés « cost oil ». Cela signifie que tant que ces coûts ne sont pas amortis, la part de revenus destinée à l’État reste marginale.
L’économiste souligne également que le risque financier a été entièrement assumé par les compagnies pétrolières. Si les forages n’avaient donné aucun résultat, les pertes auraient été entièrement à leur charge. Ce modèle de partage, courant dans l’industrie pétrolière, accorde donc un avantage initial aux investisseurs privés afin de compenser le risque encouru.
Un autre facteur déterminant réside dans la volatilité du marché mondial. Si le prix du baril chute en dessous d’un certain seuil – généralement entre 40 et 50 dollars – la rentabilité du projet s’effondre, ce qui réduit d’autant les marges redistribuables à l’État. Dans ce contexte, les revenus de l’État dépendent directement des dynamiques internationales sur lesquelles il n’a que peu d’influence.
Ibnou Sougoufara met par ailleurs en garde contre une mauvaise interprétation des chiffres. Selon lui, publier des montants globaux sans les mettre en perspective peut induire le public en erreur. Il appelle ainsi à la création d’une agence nationale d’information énergétique, indépendante et spécialisée, pour assurer une diffusion transparente et rigoureuse des données liées à l’exploitation des ressources naturelles.
Malgré ce démarrage jugé modeste, les perspectives à moyen terme sont jugées prometteuses. La part de l’État, aujourd’hui estimée autour de 10 %, pourrait atteindre entre 25 et 30 % dans les années à venir, en fonction de l’évolution de la production et des cours du pétrole. Pour y parvenir, l’économiste recommande de privilégier l’attractivité des futurs blocs pétroliers plutôt que de renégocier systématiquement les contrats existants, ce qui pourrait refroidir les investisseurs potentiels.
En somme, le défi pour le Sénégal consiste à trouver un équilibre entre la défense de ses intérêts souverains et la nécessité de rester compétitif dans un secteur où la concurrence entre pays producteurs est féroce. La transparence, la rigueur institutionnelle et une vision stratégique sur le long terme apparaissent comme des leviers essentiels pour maximiser les retombées économiques de l’or noir.
Emedia