Dans la partie sud de la commune de Dioulacolon, dans le département de Kolda, le village de Saré Keïta incarne une volonté nouvelle : celle d’une jeunesse déterminée à en finir avec l’émigration irrégulière. Dans cette zone marquée par de nombreuses tragédies liées aux traversées périlleuses du désert et de la Méditerranée, les jeunes veulent désormais miser sur l’agriculture. Mais leurs ambitions se heurtent à un manque criant de soutien.
Longtemps considérée comme une voie de salut face au chômage et à la précarité, l’émigration clandestine a coûté cher à de nombreuses familles. Aujourd’hui, ceux qui sont revenus de l’enfer libyen ou des camps en Europe tentent de reconstruire leur vie sur place. Parmi eux, Amadou Baldé, revenu au bercail en 2018 après six années passées en Libye, sans jamais pouvoir franchir la Méditerranée. Depuis son retour, il s’adonne à l’agriculture, avec espoir mais aussi avec frustration. Le manque de matériel, l’accès difficile au foncier et l’absence de mécanisation freinent ses projets.
« L’hivernage touche à sa fin. Nous ne voulons plus nous contenter de l’agriculture pluviale. Notre ambition est de travailler la terre toute l’année, développer la production horticole, générer des revenus, et pourquoi pas, faire en sorte que le marché de Kolda ne dépende plus de la zone des Niayes pour son approvisionnement en produits maraîchers », explique-t-il. Mais pour atteindre cet objectif, les jeunes agriculteurs appellent l’État et les partenaires du Sénégal à prendre leurs responsabilités. « Il nous faut de la formation, des équipements agricoles, un meilleur accès à la terre, et surtout une réelle politique d’accompagnement des jeunes », plaide-t-il.
L’absence de dispositifs d’irrigation, la non-maîtrise de l’eau, la non-sécurisation des périmètres agricoles et le manque d’infrastructures comme les pistes de production ou les clôtures agricoles sont autant de freins à l’essor du secteur. Pourtant, Saré Keïta et l’ensemble de la commune de Dioulacolon disposent de terres fertiles et d’une nappe phréatique relativement accessible. La localité a donc un fort potentiel pour contribuer à l’approvisionnement local, voire régional, en produits horticoles.
Cette vision a d’ailleurs été portée par les communautés locales lors du passage de la Première dame, Marie Khone Faye, dans la région. Pour les jeunes de Saré Keïta, le développement passe nécessairement par une politique publique décentralisée et territorialisée, fondée sur l’exploitation des ressources locales et l’inclusion des communautés dans la quête de souveraineté alimentaire. La lutte contre l’émigration clandestine passe aussi – et peut-être surtout – par là.
Seydou Diatta – Emedia Kolda