Al-Fashir est tombée, et avec elle, l’illusion qu’il existait encore des règles dans la guerre qui ravage le Soudan depuis plus de deux ans. Les Forces de soutien rapide (FSR), issues des anciens miliciens Janjawid du Darfour, ont pris le contrôle de la dernière capitale régionale tenue par l’armée soudanaise. La ville, aujourd’hui en ruines, est le théâtre de massacres et d’exécutions massives, selon les Nations unies, qui parlent de l’un des pires drames civils depuis le début du conflit. « L’histoire se répète,, et elle devient plus atroce à chaque fois », a déclaré Mirjana Spoljaric, présidente du Comité international de la Croix-Rouge.
Des milliers de civils ont fui la ville, tandis que d’autres restent piégés, privés d’eau et de nourriture. Le dernier hôpital encore en activité serait devenu un champ de bataille. L’accès humanitaire au Darfour et au Kordofan est pratiquement impossible. Les convois d’aide sont bloqués ou pillés, et les zones encore habitées se vident de leurs habitants.
Face à l’urgence, les pays du groupe du « Quad » Arabie saoudite, États-Unis, Égypte et Émirats arabes unis; ont proposé une trêve humanitaire de trois mois, acceptée jeudi 6 novembre par les FSR. L’armée, elle, n’a pas encore réagi à cette annonce. Selon un haut responsable saoudien, cette trêve doit permettre la mise en place de négociations de paix en Arabie saoudite.
Depuis avril 2023, le Soudan s’enfonce dans une guerre fratricide entre les Forces armées soudanaises (FAS) et les Forces de soutien rapide (FSR). Ce qui devait être une lutte pour le pouvoir entre généraux rivaux s’est transformé en une tragédie nationale. L’économie du pays s’effondre. D’après les travaux du chercheur Khalid Siddig de l’IFPRI, la taille de l’économie soudanaise pourrait se contracter de plus de 40 % d’ici la fin de 2025, plongeant des millions de personnes supplémentaires dans la pauvreté. Les pertes économiques cumulées dépasseraient 26 milliards de dollars, tandis que 4,6 millions d’emplois ont déjà disparu. Les secteurs productifs; agriculture, industrie, services s’écroulent, et plus de la moitié des Soudanais vivent désormais sous le seuil de pauvreté.
Derrière les lignes de front, les influences étrangères alimentent le conflit. Les Émirats arabes unis sont accusés d’armer les FSR, tandis que l’Égypte et l’Iran soutiendraient les forces gouvernementales retranchées à Port-Soudan. Ce conflit interne s’est transformé en guerre par procuration, chaque camp trouvant appui dans des alliances régionales concurrentes.
Les experts avertissent que sans cessez-le-feu durable, la reprise sera impossible. Les infrastructures sont détruites, les institutions paralysées et les populations déplacées par millions. « Chaque mois de combats supplémentaire accroît le coût de la reconstruction », alerte Khalid Siddig, qui appelle à soutenir l’agriculture, les services essentiels et la protection sociale tout en préparant dès maintenant la reconstruction.
Vingt ans après le génocide du Darfour, le Soudan s’effondre à nouveau dans le sang et le silence. Cette fois, les crimes sont filmés par drone et diffusés sur les réseaux sociaux, mais le résultat est le même : un pays brisé, un peuple abandonné. Et lorsque le prochain massacre frappera, les déclarations internationales sonneront familières… parce qu’elles le sont déjà.
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