«Il y a moins d’inconvénients à ne rien changer», disait autrefois un roi de France. On ne prendra pas le risque de dire que rien n’a changé depuis le 24 mars au Sénégal. Les visages ne sont plus les mêmes mais les méthodes et les mœurs n’ont pas encore évolué. Ce n’est pas la distribution de la justice qui est le problème numéro un dans le pays. C’est le marasme comportemental qu’il faut traiter en premier lieu. En la matière, l’état des lieux n’est pas à notre avantage. Il n’y a pas d’états généraux plus urgents que ceux qu’on consacre au retour du goût de la discipline. N’en connaissant plus la saveur, on ne sait pas ce qu’on rate chacun et tous. Comme les régimes qui les ont précédées et qui se sont heurtés à cette réalité déplaisante, les nouvelles autorités auront beaucoup de mal à avoir des résultats dans une ambiance de laisser-aller et sans cet ingrédient qui est la première des denrées de première nécessité. L’absence de discipline ne dégrade pas que leurs auteurs. Elle fatigue tout le monde. C’est une bombe à retardement. Même les avantages qu’on aurait sur les autres en matière de stabilité politique sont masqués par ce voile épais des mauvaises habitudes et attitudes. Comment en arrive-t-on là ? Le manque d’autorité et des mauvais dirigeants peuvent l’expliquer.
Nettoyer les esprits avant de nettoyer la rue
Les gouvernants ne montrent pas l’exemple par une discipline de fer dans la gestion des affaires publiques. S’ils ne sont pas à la hauteur, la bassesse se répand partout. Il faut nettoyer les esprits avant de nettoyer la rue. On verra tout de suite les transformations que subiront les artères et l’espace public. Il n’est jamais trop tard pour commencer l’introspection où chacun balaie devant sa porte. Pour cette belle et grande nation sénégalaise qui a l’art de voter comme aucune autre pour ensuite se montrer réfractaire à l’autorité qu’elle a installée, le grand défi est cette reconversion des mentalités pour laquelle le grand Maodo avait presque donné sa vie. Les nouveaux arrivants s’en inspirent mais n’ont encore tenu le moindre discours ou appel retentissant dans ce sens. On peut se proclamer souverainiste mais commençons d’abord par être souverain en discipline et en philosophie du comportement. Le reste ne sera que simple formalité. Faute de quoi, on aura procédé qu’à un changement dans la continuité qui sera pour tous un sommeil sans rêves. Disons, un cauchemar. Dans ce beau pays, les alternances sont devenues banales mais on en fait à chaque fois un usage bancal.
Copier-coller et pâle copie
Avec la récente alternance, le Président Macky Sall a perdu son poste. Il s’est même exilé. Lui qui prenait plaisir à exiler des gens. Quand un ex- homme fort quitte ses fonctions, tous ceux que son décret avait propulsés doivent s’attendre à subir le même sort. La vague déferlante de nominations ne devrait pas soulever de débat outre mesure. Ceux qui ont gagné prennent les strapontins avec les hommes et les femmes qui gardent leur confiance. Les promus sont des Sénégalais et non des martiens. Ils seront jugés à l’aune des résultats qu’ils vont délivrer. C’est à l’œuvre qu’on saura s’ils sont aptes ou non. Les soupçons de népotisme créent un malaise. Ils réveillent des passions toxiques comme l’envie, la jalousie, le favoritisme. Mais si le serpent de mer revient aussi souvent, c’est qu’on en a fait l’amère expérience avec les exercices passés. Le népotisme est mal puisqu’il est fils de la corruption. Proche de la dévolu- tion monarchique, il fait fi du mérite et de l’effort. Les politiciens pratiquent beaucoup la consanguinité. Ils récompensent plus qu’ils ne nomment. Enfin, ces cascades de noms qui virent d’autres noms signifient qu’on s’écarte du chemin de la sobriété et de la qualité. Et d’ailleurs, si tout se résumait à la quantité pour avoir la garantie de l’efficacité, cela se saurait. Plus, il y a de DG ou de PCA, moins les services publics sont performants. En règle générale, le copier-coller rend de pâles copies.
Par Assane GUÈYE