Comment parler de la presse avec détachement ? Depuis le premier journal sénégalais «Le Réveil» fondé vers la fin du 19ème siècle à nos jours, beaucoup d’encre a eu le temps de sécher. Les larmes et souffrances des acteurs n’ont pas suivi le même processus. De l’eau a pourtant coulé sous les ponts depuis plus de 130 ans. Les médias traditionnels ne coulent pas des jours heureux. Ce n’est pas juste de dire que la descente aux enfers commence seulement aujourd’hui. Les coups de boutoir viennent de loin et de partout. La conjoncture, la crise de confiance et surtout internet. Ce bijou de technologie aux fonctionnalités foudroyantes a dicté de nouveaux usages, de nouveaux modes de consommation. Rien ni personne ne lui résiste. Il a ringardisé au-delà des médias classiques. Les cabines téléphoniques ont été les premières à perdre le fil. Non contents d’être sophistiqués, les nouveaux médias, bourreaux des anciens, sont un des rares secteurs au monde à ne pas connaître de régulation. Les hébergeurs dont on pointe la responsabilité semblent hors de portée des États. Mais le coupable est commode à désigner. L’enfer, c’est toujours les autres. La vérité est que les victimes expiatoires d’aujourd’hui n’ont pas su négocier les virages décisifs. La presse a péché peut-être pas par paresse mais par manque d’intuition. Elle s’est divisée au lieu de se regrouper dans l’optique de mettre sur pied des groupes forts et compétitifs. La spécialisation pointue des journalistes n’a pas non plus été amorcée. La production a disparu et on a du mal à aller au-delà des simples faits évanescents. Bref, le métier n’a pas été réinventé. Il est à présent le plus perméable de tous.
Les nouveaux dirigeants ont ajouté de la crise à la crise
Un procès d’intention peut viser les nouveaux dirigeants. Ils l’auront cherché. Ils ont ajouté de la crise à la crise. Des comptes bloqués ne sont pas que de simples comptes bloqués, c’est la respiration des titulaires de ces comptes qui est en fait bloquée. Tout de même, les imposables devront se moraliser. Il faut aussi des moratoires voire un plan Marshall pour sauver les meubles et surtout les emplois-jeunes qui restent les plus menacés. Car, contrairement à ce qu’on pense, ce sont les jeunes reporters qui pâtissent le plus de cette situation. Tout le monde a intérêt qu’une solution soit vite trouvée. La presse n’est pas seulement celle qui porte la plume sur la plaie ou fait du tort. Elle n’est pas l’empêcheuse de tourner en rond. Elle aide les citoyens à regarder avec des yeux tout ronds la manière dont le pays marche. Plus que cela, elle est une vitrine culturelle. C’est manquer de sensibilité que de ne pas le savoir. Vite un juge de paix.
Magistrats, des fonctionnaires qui onctionnent partout
Sur le dossier concernant les magistrats, il faut aussi se rappeler que ce sont des fonctionnaires. Ils sont appelés à fonctionner sur toute portion du territoire. Le transfert de tel ou tel pour nécessité de service ne doit pas susciter l’émoi. Des centaines voire des milliers d’agents publics anonymes sont mutés tous les ans sans que personne ne s’en aperçoive. Ce qui provoque la gêne, c’est plutôt cette image de purgatoire qu’on voudrait coller à une partie du pays. Quiconque voudrait-on déboussoler est vite envoyé à l’Est. En 1962 déjà, le Président du Conseil a écopé d’une déportation perpétuelle pendant 11 ans à Kédougou. L’actuel maire de Dakar, un dur à cuire de l’opposition d’antan, a été éloigné de la capitale pour aller purger une peine à Tamba. L’éloignement est un facteur naturel. Le bagne est le fait des hommes qui se rendent coup pour coup. Quelle est donc cette idée pas si originale d’infliger la double peine à une région si excentrée quand elle aurait mérité de recevoir plus et mieux que les autres? Toute discrimination positive pour ces localités est la bienvenue pour lutter contre les déserts économiques. Question d’équité territoriale, ce programme de l’Etat qui est le PUMA, idée géniale et généreuse, doit monter en puissance. Son efficacité sur le terrain est aussi à évaluer. Rendre à toutes les parties reculées du Sénégal leur attractivité est une autre manière de sauver Dakar, ville infernale dont l’habitabilité commence à poser sérieusement problème. Quelles que soient les disparités, personne ne doit s’offusquer d’être bougé dans un coin ou un autre d’un pays un et indivisible. Heureusement que les magistrats ne s’épanchent pas. Le devoir de réserve les éloigne de la cohue ambiante. Leur silence n’est pas un mystère. C’est une richesse.
Par Assane GUÈYE