Maodo et la Burdah
«C’est Serigne Cheikh Ahmed Tidiane Sy Al-Maktoum qui décrivait l’environnement de connaissances qu’avait créé Maodo et revivifié par Serigne Babacar Sy en usant d’une image selon laquelle à Tivaouane, c’est le savoir qui, à chaque instant, venait en votre quête (Zamâna Kunnâ wa kâna al-ilm yatlubuna) et, généreusement, finissait par remplir et occuper tous les lieux (Rifqan wa kâna al-ilm fî kulli qâ’âti). C’est cela la philosophie de cette célébration du Mawlid ; la transformation de chaque instant en opportunité de s’instruire et en une chance supplémentaire de se réaliser spirituellement. En chantant la Burdah, on est vite plongé dans l’univers poétique et mystique de cette fin du 13e siècle au moment de l’éclosion d’un soufisme renaissant, bien avant l’ère des socialisations confrériques, à partir du 14e. En chantant la Burdah dont le refrain, au Sénégal, est désormais, par l’œuvre de Maodo, devenu plus célèbre que qifâ nabki- comme diraient les Arabes du vers d’Imru’ul Qays -, on est aussi, subrepticement, soudain, d’un moment aux apparences profanes par le biais du chant, au travers d’une poésie qui libère l’amour envers l’Élu, emporté vers l’éternité de la réalité Muhammadienne».
Une généreuse invitation à la délectation poétique et spirituelle
«Du coup, par l’instauration des récitals de la Burdah à Tivaouane, Cheikh El Hadji Malick a voulu montrer la voie d’une ouverture aux autres. Il enseigne, par cette pratique, un altruisme débordant de générosité intellectuelle et littéraire en délaissant ses plus beaux poèmes dédiés au Prophète de l’islam. Mais, en même temps, il invitait ses disciples à la délectation d’une production panégyrique venue d’ailleurs mais versant dans la même tradition de l’amour du Prophète se manifestant à chaque instant. Et, en à peine une dizaine de jours, l’école de Maodo offre, entre autres opportunités et sources de connaissances, ce voyage dans l’univers littéraire et mystique d’un soufisme apaisant et rafraîchissant, porteur d’un message de paix et d’amour universel, rappelant l’essence même de l’islam.»
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Concilier spiritualité et engagement sociétal ou l’éternel défi tijâne
«La confrérie Tidjaniyya est née pour relever un défi et restaurer un ordre ; celui de l’équilibre menant à la réalisation spirituelle. Son destin est d’être contraint à affronter les difficultés, sa singularité réside dans le fait de symboliser l’universalité de l’Islam en réconciliant spiritualité et plein engagement sociétal. C’est une spiritualité vivante qui a amorcé une véritable rupture lui valant tous les mérites mais l’expose, en même temps, comme la citadelle du soufisme, objet de toutes les visées. Mais c’est justement de là qu’elle tire toute sa force. A l’image de la mission Mouammadienne qu’elle catalyse, les défis de toute sorte lui sont inhérents. Sinon elle perdrait sa singularité. Cheikh Ahmad Tidjane, en tant que personnage historique comme figure mystique, a marqué son époque tout en fournissant aux générations suivantes leur viatique pour affronter les défis de leur temps. Mais il peut surtout se targuer de pérenniser son enseignement spirituel par les hommes de pensée et d’action qui se réclament de lui. Finalement, son héritage a su perdurer même à l’épreuve du temps et de ses vicissitudes grâce à la conscience du devoir chez ses héritiers de la trempe de Cheikh El Hadji Malick Sy. Ce dernier n’a-t-il pas assez œuvré pour que les générations futures soient, elles aussi, conscientes du défi qu’elles se doivent, à leur tour, de relever ?»
Gamou à Tivaouane : l’odyssée spirituelle et littéraire derrière la philosophie d’une célébration
«À Tivaouane, lorsqu’on assiste à ce qu’il est désormais convenu d’appeler, peut-être de manière simpliste, les «chants religieux», on n’est loin de s’imaginer l’effort de recherche littéraire derrière ce foisonnement des odes psalmodiés dans l’enceinte de la ville sainte et les nombreux foyers de la Tijaniyya sénégalaise où Cheikh El Hadji Malick Sy envoya ses brillants Muqaddams.»