Lors d’une émission accordée à Aziz Rok sur la chaîne H5 Motivation, l’ancien président Macky Sall s’est exprimé longuement sur les mécanismes du système international de la dette et les inégalités auxquelles sont confrontés les pays africains sur les marchés financiers mondiaux.
Selon lui, ce système est profondément déséquilibré, dominé par les lois du marché des capitaux, elles-mêmes fortement influencées par les États-Unis. « Ce n’est pas un hasard si toutes les trois grandes agences de notation sont américaines : Fitch, Moody’s, S&P », a-t-il rappelé. Ces agences évaluent les pays et leurs projets, et leur notation influe directement sur les taux d’intérêt appliqués aux emprunts. Une mauvaise note signifie un risque élevé, ce qui augmente fortement le coût des assurances et des emprunts.
Macky Sall déplore que les pays africains soient perçus comme structurellement à risque, ce qui les oblige à s’endetter à des taux cinq à huit fois supérieurs à ceux des pays européens, alors même que certains d’entre eux ont déjà connu des défauts de paiement. « Dès qu’un pneu est brûlé pendant une manifestation, on crie à l’instabilité. Pourtant, en Occident aussi, ça brûle, mais cela ne remet pas en question leur notation », a-t-il dénoncé, évoquant une injustice flagrante dans l’évaluation du risque politique et économique.
Il a également rappelé que pendant la crise du Covid-19, les pays en développement ont été sévèrement sanctionnés par les agences de notation, malgré une incapacité globale – y compris dans les pays riches – à faire face à la pandémie. « On manquait de tout, même de masques. Il y avait la guerre des masques dans les aéroports chinois. Mais seuls les pays en développement ont vu leur notation chuter », a-t-il souligné, citant les constats du comité de Bâle et d’institutions financières internationales.
Pour l’ancien chef de l’État, le véritable fardeau n’est pas la dette en elle-même, mais bien les conditions d’accès à celle-ci. Il plaide depuis longtemps pour une réforme profonde des règles d’endettement. « Nous voulons commercer, acheter plus. Mais nous avons besoin d’un étalement des remboursements et de taux d’intérêt plus bas. C’est ainsi que nous pourrons construire nos routes, nos chemins de fer, développer notre industrie », a-t-il affirmé.
Il a donné l’exemple du barrage de Samba Ngalou, financé par un prêt au nom de l’OMVG (Sénégal, Guinée, Gambie, Guinée-Bissau). Un crédit à rembourser en dix ans, pour un barrage qui a une durée de vie de cent ans. « Comment amortir une telle infrastructure en si peu de temps ? Forcément, cela augmente le coût de l’électricité », a-t-il expliqué.
Face aux arguments souvent avancés par les pays de l’OCDE, selon lesquels « ce sont les règles », Macky Sall appelle à leur révision. « Nous ne demandons pas la charité, ni l’aide. L’aide ne résoudra rien. Ce qu’il faut, ce sont des partenariats co-construits, basés sur des mécanismes équitables d’accès au financement, sur le transfert de technologies, et sur un partage réel des opportunités économiques », a-t-il conclu.
Emedia