Ifan. La querelle autour du détachement envisagé de Pr Ismaïla Madior Fall a réveillé ce creuset de savoir et de savoir-faire. Même des étudiants de l’Université Cheikh Anta Diop ne pourraient pas dire que c’est Institut fondamental d’Afrique noire ! La recherche, fondamentale surtout, n’a pas besoin de bruit. Que d’histoires dans ce temple historique. Que de découvertes aussi dans ce lieu de convergences des esprits scientifiques. Si l’enfant Ifan, né en août 1936, était un prénom, on aurait pu lui adjoindre des noms comme Monod (Théodore), Diop (Cheikh Anta) et tant d’autres qui ont vulgarisé cette âme scientifique dans le monde. Bés bi fouille ce stimulateur de savoirs qui est à sa 88e année.
Théodore Monod avait 91 ans, la vision floue et la démarche fortement ralentie quand il a participé à l’une de ses dernières expéditions dans le désert mauritanien en 1993. Cette détermination qui frôle la témérité témoigne de l’engagement d’un homme qui aura consacré plus de 70 ans de sa vie à la recherche et à l’activisme humanitaire. Curieux et passionné par la nature depuis son enfance, le jeune Théodore fait des études en sciences naturelles. Après sa formation, il entame une longue et fructueuse carrière faite d’expéditions qui le mèneront principalement en Afrique. Son amour pour ce continent commence dans le désert du Sahara où il découvre des espèces végétales et des sites archéologiques. Après l’appel du désert, le jeune naturaliste répond à l’appel de Dakar où l’attend une importante responsabilité : diriger l’Ifan. On est en 1938 et le jeune naturaliste de 36 ans se retrouve à la tête de la première institution dédiée à la recherche sur l’Afrique. Il occupera cette fonction pendant 27 ans. Sous sa direction l’Ifan s’engage dans des expéditions, des découvertes, des collectes de vestiges et d’archives, etc. Il fait de l’Ifan un sanctuaire de la recherche et un exil plaisant pour des hommes tels que Amadou Hampâté Ba et Cheikh Anta Diop. Cependant, Théodore Monod n’était pas seulement un naturaliste, il était aussi un humaniste. Toute sa vie durant, il s’est engagé contre la guerre, le nucléaire, l’apartheid, l’alcool, le tabac, etc. Son respect pour la vie sous toutes ses formes était tel qu’il était végétarien. Soucieux de préserver la nature, il était aussi un écologiste avant l’heure. Il meurt en 2000 à l’âge de 98 ans. Le musée d’art africain de l’Ifan porte son nom depuis 2007. (…)
Avant d’entrer à l’Ifan, Hampâté Ba avait eu un parcours non conventionnel. Ses études coraniques font qu’il intègre l’école française sur le tard. A l’âge de 15 ans, il fugue de son école, puis à 21 ans, il refuse d’être orienté à l’école Normale de Gorée qui formait les instituteurs de l’Aof. En guise de représailles, il est nommé à une position subalterne au sein de l’administration coloniale. Malgré ces péripéties, il y a une constante chez le jeune homme : un profond attachement à la tradition orale. Il aime écouter et collecter histoires, proverbes, anecdotes… Puis en 1942, Théodore Monod l’accueille à l’Ifan. Pour Hampâté Ba, c’est l’occasion de traduire sa passion en occupation professionnelle. Tout en continuant ses collectes, il est initié à la recherche scientifique. Combinant les deux, il publie une première œuvre historique : «L’empire peul du Macina». C’est une révolution dans la mesure où l’auteur s’est autant appuyé sur des sources orales qu’écrites. Il montre qu’avec vérification et rigueur, il est possible de relater l’histoire en se basant sur l’oralité. «Auparavant, je recueillais tout ce qui se présentait, sans poser de questions. À partir de mon entrée à l’Ifan, j’ai appris à questionner et surtout j’ai eu accès à une documentation considérable», explique-t-il. Après 15 ans à l’Ifan, il est suffisamment outillé pour devenir un écrivain de talent dont l’œuvre en partie fictionnelle n’en est pas moins une représentation réaliste des sociétés africaines.
Dossier réalisé par Marly DIALLO
A suivre…