Hommage à Ababacar SY
Par Amadou Diaw, Fondateur de l’ISM, Past-Président de la Conférence des Grandes Écoles
La première rencontre
C’était un jour comme les autres, rue Alfred Goux, au siège du Conseil National des Employeurs du Sénégal. Je venais d’être recruté par le CNES, une responsabilité qui me conférait la direction exécutive, un rôle stimulant à la croisée des chemins. Ce jour-là, en coordonnant la réunion de la section Industrie, j’ai été frappé par les interventions et l’élégance d’un jeune cadre supérieur, directeur marketing de la société de textile SOTIBA. Il affichait ce chic à l’italienne que seuls ceux de sa classe d’âge savaient porter avec tant de goût.
Au-delà de nos échanges professionnels, notre conversation s’est rapidement quadrillée autour d’un sujet qui nous tenait tous les deux à cœur : Saint-Louis, notre ville, celle qui nous ancre et nous relie. Nous récitions les noms des érudits de la ville. Lui était mon aîné de six années, un détail que je notais, mais qui ne modifiait en rien la proximité que je ressentais à son égard.
Il me racontait Le Havre. Il avait quitté la Normandie peu avant mon arrivée à Rouen ; cette coïncidence de parcours ne faisait qu’ajouter une dimension supplémentaire à notre relation.
Le partage du savoir
Au-delà de Saint-Louis, ou peut-être simplement parce que nous étions Saint-Louisiens, naissait en nous une passion commune : celle du partage du savoir.
C’est là, dans le creuset de ce qui semblait être une rencontre fortuite, que j’ai réalisé la portée de notre destin partagé. Ce moment, loin d’être anodin, se dessina comme un tournant décisif, une véritable confluence de nos trajectoires.
Avec une énergie renouvelée, nous avons fondé deux cabinets : Sylex pour lui, Macy Conseil pour moi. Nous avons pris à cœur d’offrir des programmes de formation continue, nourrissant des échanges fructueux qui allaient nous mener à des réalisations emblématiques.
Des entrailles de nos discussions naquirent en 1992 le Groupe ISM, suivi en 1993 du Groupe Sup de Co, autant de témoins de notre engagement.
À la conquête des grandes universités
Deux mois. C’est le temps que nous avons eu la chance de passer aux États-Unis, sur l’invitation du gouvernement américain dans le cadre du programme International Visitor. Une immersion enrichissante dans les plus grandes universités américaines : Harvard, Georgetown, NYU, Pace… Ces noms résonnent comme des promesses d’inspiration et de transformation.
À Boston, Magueye Seck, cet ami, le plus que frère d’Ababacar, nous a fait honneur avec un accueil extraordinaire. Ce long séjour ne fut pas seulement une découverte intellectuelle, mais un renforcement indéfectible de nos liens, comme si chaque pas effectué sur ce sol américain tissait un peu plus la toile de notre ambition commune pour un avenir éclairé.
La Conférence des Grandes Écoles
Autour de la table, les leaders de l’enseignement supérieur privé s’étaient réunis : Amadou Diaw (ISM, 1992), Ababacar Sy (Sup de Co, 1993), Moustapha Guirassy (IAM, 1994), Pape Madické Diop (BEM, 2008), chacun ayant fondé les établissements qui allaient se frayer un chemin.
L’émergence de nouveaux défis dans le paysage éducatif sénégalais appelait à une réflexion collective. C’est dans ce contexte que Pape Madické Diop, le cadet de notre quatuor, s’est révélé être un précieux passeur, celui qui, avec une agilité remarquable, facilitait les échanges même dans les moments les plus délicats.
Pape Madické initie un déjeuner au Terrou Bi, l’occasion rêvée pour discuter des enjeux qui touchaient nos institutions respectives. Pape, avec sa finesse désarmante, n’a pas perdu de temps pour poser le sujet : « Doudou, après mûre réflexion, il nous faut une Conférence des Grandes Écoles. »
À ce moment précis, la dynamique de la discussion changea. Ababacar, avec sa naturelle autorité, avait rapidement rebondi : « Doudou, je suis ton grand frère, mais tu es le doyen dans l’activité. Cette Conférence des Écoles, tu la présides, bien sûr. »
Moustapha Guirassy avait acquiescé, puis partagé avec nous son analyse de la situation.
« Pape Madické avait-il déjà parlé à mes deux amis ? » me suis-je demandé, sans réellement obtenir de réponse. La musique me semblait si parfaite. La messe était dite.
À ce moment-là, je ne pouvais m’empêcher de sourire, conscient que, comme souvent, Ababacar ne me laissait ni le choix ni le temps de faire quoi que ce soit d’autre. Son droit d’aînesse, hérité de notre appartenance commune au quartier du nord de l’île, Lodo, était implacable. Je lui devais obéissance, au risque de recevoir les foudres de mes aînés à Saint-Louis. Combien de fois, dans nos parcours, ai-je demandé à Pape Madické d’être le facilitateur, lui l’ami, le cadet commun. La concurrence était saine.
Ainsi, cette amorce de conversation se transforma en un engagement concret : la naissance de la Conférence des Grandes Écoles (CGE). Dans les mois qui ont suivi, avec notre quatuor d’initiés, nous avons posément et méthodiquement jeté les bases de cette initiative ambitieuse. L’idée trouvait écho.
La relève
Nombreux sont les instants où, avec une tendresse teintée de sagesse, nous avons pensé ce tableau inachevé. En véritable aîné, celui que j’ai toujours appelé « Grand Babacar » s’est fait le gardien de mes réflexions, m’interpellant du haut de son expérience à chaque grande décision, qu’il s’agisse des accords entre l’ISM et l’IAM, ou bien encore de cette audacieuse ouverture de capital de l’ISM. Je garde en mémoire ses rappels à l’ordre.
Nulle surprise. Comment résister à une telle main tendue, à un aîné qui, comme un phare, éclaire le chemin ?
Aujourd’hui, c’est à mon tour de poser ce regard sur nos enfants, Yasmine et Aziz. Ma fierté incommensurable.
Emedia
 
  
  
  
 









