Du 9 au 12 septembre 2025, des écologistes venus de plusieurs pays africains se sont réunis à Dakar pour débattre des enjeux environnementaux majeurs du continent. Cette rencontre, marquée par une forte mobilisation des acteurs communautaires, a permis de dresser un état des lieux alarmant de la situation de l’eau, du climat, des énergies fossiles, des écosystèmes marins et de la justice environnementale.
Mbacké Seck, membre de la coalition Waterkeeper Alliance, a mis en garde contre les conséquences de l’exploitation pétrolière et gazière au Sénégal. Il a évoqué notamment la fuite de gaz survenue en février sur le site GTA, dénonçant un manque de réactivité des autorités et une opacité dans la communication. « Il a fallu plusieurs semaines pour obtenir des informations fiables, puis plusieurs autres pour maîtriser la fuite. Cela prouve qu’il faut des mesures strictes en cas d’incident », a-t-il déclaré, rappelant l’explosion du Golfe du Mexique en 2010 comme un exemple tragique des dangers liés à l’exploitation offshore.
Il souligne que les projets d’exploitation comme ceux de GTA, Yakar Téranga ou Sangomar sont situés à proximité immédiate d’aires marines protégées et de parcs nationaux, tels que le delta du Saloum, le parc national de la Langue de Barbarie à Saint-Louis, ou encore l’aire marine protégée de Kayar. Les impacts potentiels sur ces écosystèmes sont colossaux, notamment en cas de marée noire ou de fuite incontrôlée, aggravés par les vents côtiers.
L’exigence d’une meilleure transparence dans la gestion de ces projets a été martelée. Selon Seck, les compagnies doivent être tenues responsables et obligées de fournir des informations claires sur les assurances et dispositifs de sécurité mis en place. « Il faut que notre gouvernement contrôle effectivement ces compagnies et que les communautés soient en mesure de les interpeller », a-t-il insisté.
Les discussions ont également mis en lumière les défis communs rencontrés par les cours d’eau du continent. Du lac Victoria au Kenya au fleuve Niger, en passant par le lac Kyoga en Ouganda et les eaux du Malawi, les participants ont dressé une longue liste de menaces : pollution industrielle, sécheresse, inondations, et mauvaise gestion des ressources. Les écologistes appellent à l’application effective des dispositifs juridiques pour poursuivre les pollueurs – qu’ils soient des entreprises ou des États – et à garantir un accès à l’eau potable pour les populations vivant autour de ces lacs souvent très contaminés.
Sur le littoral africain, les enjeux sont tout aussi préoccupants. L’érosion côtière, la pollution marine, et l’occupation anarchique du littoral par des infrastructures hôtelières ou industrielles menacent la stabilité des écosystèmes et des communautés. Des lois existent, comme le Code de l’environnement ou celui de la marine marchande, mais elles sont très peu respectées selon les intervenants.
La rencontre de Dakar s’inscrivait également dans un contexte international, à quelques semaines de la COP30 prévue à Belém, au Brésil. Plusieurs conférences majeures sont annoncées, notamment le Sommet des Nations Unies sur l’eau, co-organisé par le Sénégal et les Émirats Arabes Unis. Les écologistes demandent que les voix des communautés soient véritablement prises en compte lors de ces grandes réunions, plutôt que d’être confisquées par les États et les ONG internationales. « Il est essentiel que les communautés puissent porter leurs préoccupations dans l’élaboration des conventions internationales », plaide Mbacké Seck.
Sur la question de l’alerte climatique, le Sénégal semble avoir progressé. Les systèmes d’alerte précoce, notamment ceux de l’OMVS et de l’OMVG, permettent aujourd’hui de prévenir les risques liés aux crues. Mais la pression de l’urbanisation, qui pousse les populations à occuper les lits des fleuves, accentue les risques d’inondations. Des dégâts considérables sont déjà constatés le long du fleuve Gambie, et les scientifiques confirment que la montée des eaux est désormais inévitable.
Un autre sujet majeur abordé durant ce sommet concerne la surexploitation des ressources halieutiques. Selon des études relayées par la CROC, 13 des 25 stocks halieutiques du Sénégal sont aujourd’hui en situation de surexploitation. Des espèces autrefois communes comme la sardinelle (yaboy) ou le mbaurauc (atmalose) ne fréquentent plus les côtes sénégalaises, préférant les eaux plus fraîches du Maroc ou de la Mauritanie. Résultat : le Sénégal importe désormais près de 40 % de son poisson, provenant de 19 pays différents.
Cette raréfaction du poisson est due à plusieurs facteurs : changement climatique, pêche illégale, pratiques destructrices (filets monofilaments, pêche des juvéniles), et prolifération incontrôlée des licences de pêche. « Les usines de farine de poisson contribuent aussi à l’effondrement des stocks », ajoute Seck, appelant à une réforme profonde du secteur.
En conclusion, les participants à la rencontre de Dakar ont formulé plusieurs recommandations à l’intention des gouvernements africains. Ils demandent une meilleure vulgarisation des codes de l’environnement, des mécanismes clairs d’accès aux financements climatiques (fonds verts, pertes et dommages), et un dialogue constant entre scientifiques, décideurs et communautés. La justice environnementale, encore peu intégrée dans les politiques nationales, doit devenir une priorité absolue pour garantir un avenir durable aux générations futures.
Emedia
Photo : Pape Doudou Diallo