À l’occasion du mois des droits des femmes, les travailleuses du secteur de la pêche artisanale à Kafountine ont lancé un appel pressant aux autorités sénégalaises. Lors d’une rencontre, elles ont réaffirmé l’urgence d’obtenir un statut légal et une meilleure protection pour leur profession, essentielle à l’économie du pays.
Présidant la rencontre, Alassane Hanne, sous-préfet de Kataba, a souligné le rôle central des femmes dans la pêche artisanale : « Elles assurent la transformation et génèrent des revenus vitaux pour leurs familles. L’autonomie ne peut être obtenue sans un cadre légal clair et une implication directe sur le terrain. »
Un secteur clé, des travailleuses invisibles
Au Sénégal, la pêche maritime représente un pilier économique et social, employant près de 600 000 personnes, dont une grande majorité de femmes spécialisées dans la transformation du poisson. Pourtant, ces travailleuses se sentent oubliées par les politiques publiques.
« Notre travail nourrit nos familles et contribue au développement du pays, mais sans reconnaissance légale, nous restons invisibles aux yeux des autorités », déplore Niorta Fatou Diatta, porte-parole des transformatrices de poisson à Kafountine.
Des défis multiples et croissants
Outre l’absence de statut officiel, ces femmes font face à de nombreux obstacles :
La raréfaction des ressources halieutiques due à la surpêche et aux pratiques non durables,
Un manque criant de financements,
Des conditions de travail précaires,
Les impacts environnementaux de l’industrie pétro-gazière offshore.
« Nous devons être présentes dans les instances de décision. Les politiques publiques influencent directement notre activité, et sans notre voix, elles ne reflètent pas notre réalité », insiste Diaba Diop, présidente du Réseau des Femmes de la Pêche Artisanale du Sénégal (REFEPAS).
Un appel aux autorités pour des mesures concrètes
Face à cette situation, la Coalition nationale pour la pêche durable a élaboré, en janvier 2024, une Charte pour une pêche durable. Ce document propose treize mesures visant à garantir une gestion plus équitable du secteur tout en protégeant les droits des femmes qui en vivent.
Greenpeace Afrique, qui a participé à son élaboration, exhorte le gouvernement sénégalais à l’adopter rapidement. « Alors que le Sénégal fait face à de nouveaux défis, notamment avec l’essor de l’industrie pétrolière et gazière offshore, il est impératif d’écouter ces femmes et de prendre en compte leurs revendications », plaide Mamadou Kaly Ba, chargé de la campagne Océan chez Greenpeace Afrique. « Sans action rapide, elles seront les premières victimes de la surpêche et des bouleversements économiques. »
Greenpeace s’engage à porter ce plaidoyer auprès des autorités pour l’adoption d’un décret garantissant aux femmes un statut légal et des financements. « Chaque transformatrice nourrit au moins une dizaine de personnes. Laisser ce métier disparaître, c’est condamner des familles entières », alerte Mamadou Kaly Ba.
Une mobilisation qui ne faiblit pas
Abdoulaye Ndiaye, responsable du plaidoyer chez Blue Ventures, partenaire stratégique du REFEPAS, rappelle l’importance de ce combat. « Chaque année, les femmes du secteur de la pêche célèbrent la Journée internationale des droits des femmes. Elles se battent depuis des années pour une reconnaissance. Il est crucial que leur voix soit entendue. »
La pêche artisanale, déjà fragilisée par la raréfaction des ressources, est menacée par la surpêche industrielle et les impacts de l’exploitation pétrolière. À Kafountine, où les poissons se font de plus en plus rares, l’urgence est palpable. Les travailleuses du secteur espèrent que leur mobilisation ne restera pas lettre morte.
Emedia