Le 29 septembre 2025, un tournant judiciaire majeur s’est opéré dans une affaire qui suscite désormais une vive inquiétude au sein de la société civile et des milieux de la presse. Le Doyen des juges d’instruction du Pool judiciaire financier du Tribunal de Grande Instance Hors Classe de Dakar a décidé de placer sous mandat de dépôt Madame Mabintou Diaby, Messieurs Serigne Saliou Diagne et Mohamed Diagne, épouse et fils de Madiambal Diagne, journaliste influent et directeur du groupe de presse « Avenir Communication ».
À l’origine de cette décision, une délégation judiciaire confiée à la Brigade Antiterroriste de la Division des Investigations Criminelles (BAT-DIC), sur la base d’un réquisitoire émis par le Parquet Financier le 28 août 2025. Pourtant, des zones d’ombre apparaissent très tôt dans la procédure, notamment l’interpellation de Serigne Saliou Diagne, dont le nom ne figurait nulle part dans le réquisitoire. Pour ses avocats, cela témoigne d’une volonté manifeste de coercition, sans fondement juridique sérieux.
La rapidité avec laquelle les mandats de dépôt ont été prononcés, malgré les objections soulevées par les conseils de la défense, illustre, selon eux, l’orientation politique de cette procédure. Les défenseurs de la famille Diagne dénoncent une manœuvre ciblée visant à neutraliser le journaliste, connu pour ses prises de position indépendantes et son franc-parler à l’égard de l’ensemble de la classe politique sénégalaise. La proximité assumée de Madiambal Diagne avec l’ancien président Macky Sall, dans un contexte de changement de régime, alimente les soupçons d’une vendetta orchestrée.
Le 23 septembre, alors qu’il devait s’envoler pour Paris pour raisons professionnelles, Madiambal Diagne a été interpellé à l’aéroport international Blaise Diagne et empêché de quitter le territoire. Il a ensuite reçu une convocation de la DIC, dans des conditions qualifiées de « brouillonnes » par ses avocats. Estimant ne plus bénéficier d’aucune garantie de traitement équitable, il a quitté le Sénégal pour se rendre en France, où il entend organiser sa défense en toute sécurité.
Quelques jours plus tard, un communiqué officiel annonçait qu’un mandat d’arrêt international avait été émis contre lui, ce que la défense qualifie d’instrumentalisation de la justice sénégalaise à des fins politiques. Une procédure de contestation a été initiée auprès d’Interpol afin d’obtenir la suspension ou l’annulation d’une éventuelle notice rouge, considérée comme abusive et infondée.
Pour les avocats du journaliste, cette affaire illustre de façon flagrante une dérive des institutions judiciaires, désormais mises au service d’intérêts politiques. Le rapport de la CENTIF, qui fonde l’essentiel des accusations, est pointé du doigt pour son caractère unilatéral et non contradictoire. L’incarcération des proches de Madiambal Diagne est perçue comme un moyen de pression inédit au Sénégal, marquant un dangereux précédent dans les rapports entre pouvoir, justice et liberté d’expression.
Le collectif de défense annonce avoir saisi plusieurs organisations internationales de défense des droits humains et de la liberté de la presse. Il appelle à la libération immédiate de tous les membres de la famille Diagne, estimant que leur détention viole gravement les principes élémentaires du droit et de la justice.
Madiambal Diagne, de son côté, réaffirme son attachement à l’État de droit et aux libertés fondamentales au Sénégal, tout en dénonçant une situation qu’il qualifie de persécution politique. Ses avocats, parmi lesquels figurent des ténors du barreau sénégalais et français, annoncent leur détermination à faire toute la lumière sur ce qu’ils considèrent comme une affaire politique déguisée en procédure judiciaire.
Emedia