Le 3 juin 2025, à l’Hôtel Axil de Dakar, Oxfam a livré un message fort à l’occasion de l’atelier de restitution de l’étude sur la valorisation du travail domestique des femmes et l’économie de soins. Une déclaration sans détour sur un pilier fondamental mais oublié de nos économies : le soin, ce travail invisible, non rémunéré, et quasi exclusivement féminin, qui permet à la société de tenir debout.
« Ce que la nation ne compte pas, les femmes le portent », a lancé Dalila Dossou, représentante d’Oxfam, devant parlementaires, institutions et membres de la société civile. Elle a rappelé que derrière chaque réussite sociale, chaque stabilité économique, il y a ce travail silencieux. Celui d’une mère, d’une sœur, d’une jeune fille brillante qui, avant de briller en classe, balaie la maison pendant que son frère révise ou joue. Ces tâches, souvent minimisées, sont chronophages, éprouvantes, et sacrifiantes. Elles coûtent du temps, de l’énergie, des opportunités professionnelles, et enferment des générations entières de femmes dans des rôles invisibles.
L’étude restituée, menée par le CREG, le PRB, la DEEG et leurs partenaires, lève le voile sur ces réalités. Elle montre que le travail non rémunéré des femmes contribue de manière significative à la croissance économique et joue un rôle clé dans la structuration du dividende démographique. Mais faute de reconnaissance juridique et statistique, ce travail reste exclu des comptes nationaux, des politiques publiques et des débats parlementaires.
Oxfam tire la sonnette d’alarme : cette invisibilisation alimente des inégalités profondes. Elle empêche l’accès des femmes au leadership, maintient une charge mentale inégalitaire dans les foyers, et freine les avancées vers l’égalité réelle. À l’échelle nationale, elle affaiblit aussi l’efficacité des politiques économiques et sociales.
L’organisation appelle ainsi à un changement structurel : intégrer l’économie de soins dans les politiques publiques, reconnaître légalement ce travail, investir massivement dans des services de soin publics, accessibles et de qualité, et redistribuer équitablement les responsabilités domestiques entre femmes, hommes et institutions.
Ce combat a déjà trouvé une tribune internationale : en mars dernier, lors de la 69e Commission sur la condition de la femme à New York, Oxfam et le Ministère sénégalais de la Famille ont rappelé que le leadership féminin ne peut s’épanouir sur des épaules courbées par des charges invisibles.
Le Sénégal, et plus largement l’Afrique francophone, ont aujourd’hui une opportunité historique d’inscrire cette économie cachée au cœur de leurs réformes. Réparer cette injustice, c’est répondre aux engagements de l’Agenda 2063 de l’Union africaine, du Programme d’action de Pékin et des Objectifs de développement durable.
Oxfam exhorte les parlementaires à faire de cette révolution silencieuse une priorité politique visible. Car il ne s’agit pas seulement de droits humains, mais de justice économique, de viabilité sociale, et de démocratie. Le soin ne doit plus être une punition pour être née femme, mais un pilier assumé de l’action publique.
Emedia