Des images satellites prises le 19 juin dernier, soit deux jours avant les frappes américaines contre les installations nucléaires iraniennes, montrent une file de seize camions près du site souterrain de Fordo. Selon une source iranienne citée par Reuters, une grande partie des 408 kg d’uranium enrichi stockés sur place aurait été évacuée en amont de l’attaque.
Les États-Unis ont annoncé, dimanche 22 juin, avoir frappé avec succès les installations d’enrichissement à Fordo, Ispahan et Natanz. Mais ces frappes pourraient avoir manqué leur cible principale. À en croire les experts et les images satellitaires diffusées par Maxar Technologies, l’Iran aurait pris les devants.
« L’évacuation des matières déjà enrichies, c’est très certainement fait, parce que c’est facile à faire », estime Bruno Comby, polytechnicien et ingénieur en génie nucléaire. Le volume évoqué — 408 kg — tiendrait « dans une petite camionnette ou un camion », ajoute-t-il. Une tâche d’autant plus aisée qu’elle aurait été anticipée. Le nombre d’employés présents dans l’installation souterraine aurait aussi été réduit dans les jours précédents la frappe.
Le déplacement de la longue file de camions, visible d’un jour à l’autre sur les clichés satellitaires, nourrit plusieurs hypothèses. Certains experts évoquent le transfert non seulement de l’uranium, mais aussi de matériel stratégique, comme les centrifugeuses — Fordo en comptait environ 3.000, capables d’enrichir l’uranium. Selon des médias israéliens, une partie de ces équipements aurait été déplacée à Ispahan, également visée par les frappes. « Ce qui explique peut-être d’ailleurs pourquoi il frappe aussi fort sur Ispahan en ce moment », note Comby.
Mais une autre théorie circule : les camions auraient transporté de la terre pour obstruer les accès au site souterrain. Une tactique de défense contre une possible incursion terrestre israélienne, selon Fahimeh Robiolle, ancienne ingénieure en énergie atomique iranienne. « Faire démonter complètement toutes ces centrifugeuses est extrêmement compliqué, et ça se verrait par satellite », souligne-t-elle. Boucher les entrées aurait été inutile face à une bombe américaine GBU-57, mais peut-être efficace pour ralentir un commando.
Reste une certitude : l’Iran savait que les frappes étaient imminentes. Et selon toute vraisemblance, ce qui était précieux à Fordo a été mis à l’abri avant les explosions.
Emedia